Le mot de la semaine : « bergrum »

La roche de Skeppsholmen est comme un fromage de gruyère : sous le musée des Arts Asiatiques et l’église de Skeppsholmen, il y a huit cavernes en forme de tunnel, résultat d’un complexe militaire creusé dans les années 1940 pour y abriter le chef de la marine et son état-major en cas de guerre. D’une surface de 4 800 m² et doté de six issues, dont l’une est accessible aux véhicules militaires, on y avait aménagé entre autres des chambres et des dortoirs, une cantine, un hôpital et un depôt de mines et de torpèdes.

Tout ceci a été démoli dans les années 1990 et depuis, en attendant de trouver une utilisation plut ou moins permanente pour ces tunnels, on y a par exemple tourné quelques films de Martin Beck et des épisodes de la sérié télévisée policière « Kommissionen ».

Pour plus de lecture – en suédois – à ce sujet : Wikipedia et SFV.

À partir de la fin août, ces cavernes retrouveront leur ambiance militaire en accueillant l’exposition organisée par le musée des Arts Asiatiques : l’armée en terre cuite de l’empereur Qin. Enfin, pas toute l’armée, mais quand même quelques 320 pièces. L’effet n’en sera pas moins imposant et impressionnant.

J’ai eu cette semaine l’occasion de visiter les tunnels qui sont en cours d’aménagement pour l’exposition. Les photos de cet article sont prises lors de cette visite.

Le mot « bergrum » est composé du mot « berg » [berye] (et non pas [bergue]) = montagne, roche et de « rum » = pièce, salle.

ett bergrum [ète beryerume] = une caverne

bergrummet [beryerumète] = la caverne

bergrum [beryerume] = des cavernes

bergrummen [beryerumène] = les cavernes

Le mot de la semaine : « bruk »

Chaque année au mois de juin, le Nationalmuseum organise pour son personnel une excursion d’une journée qui a toujours pour but un site historique. Lundi dernier, le 14 juin, nous quittions le musée vers 8h30 en direction de Lövstabruk. L’ancienne orthographe vous aidera à prononcer ce nom: Leufstabruk.

Lövsta est le nom du lieu, situé dans la province d’Uppland, dans la « préfecture » d’Uppsala, c’est-à-dire au nord de Stockholm, à environ 140 km de la capitale.

« Bruk » se traduit par « usine », mais je trouve que ce mot ne convient pas vraiment dans le contexte historique des XVI-XVIIIème siècles. « Manufacture » est peut-être plus approprié dans ce cas-là. Le mot « bruk » ne s’utilise, à ma connaissance, que dans le cas d’anciens sites industriels. Pour les usines de nos temps modernes, on dit plutôt « fabrik ».

La façade du manoir en cours de restauration – La façade arrière du manoir

La façade du manoir, en cours de rénovation Le manoir vu depuis le parc

« Bruk » est d’origine germanique, bien sûr :-), comme pas mal d’autres mots suédois. Aujourd’hui, on l’utilise plus souvent dans les sens d’« usage, emploi, coutume, pratique, culture (agricole) ». À partir de ce mot, on peut construire le verbe « bruka » qui signifie « utiliser, employer, cultiver, exploiter », mais aussi « avoir l’habitude de ».

ett bruk [ète bruque] = une manufacture

bruket [bruquète] = la manufacture

bruk [bruque] = des manufactures

bruken [bruquène] = les manufactures

Le parc

Lövstabruk est donc une ancienne manufacture de fer dont l’histoire remonte aussi loin qu’en 1596. On plaça cette manufacture juste à cet endroit pour exploiter la force de l’eau des nombreux lacs et cours d’eau descendant vers la mer Baltique et en même temps pour sa proximité des ports de la côte qui permettait l’exportation du fer vers l’Europe. Cependant, les bâtiments actuels datent des années 1720. En effet, le site fut brûlé en juillet 1719 par les Russes lors de la Grande guerre du Nord qui opposa la Suède (alliée à l’empire ottoman) à la Russie (alliée au Danemark et à plusieurs principautés allemandes) entre 1700 et 1721. Charles de Geer (1660-1730) fit reconstuire le site entier, c’est-à-dire les habitations des ouvriers, le manoir et l’église, cette fois-ci en pierre.

Pancartes – Une oeuvre d’art sculptée – Boîtes aux lettres en rang

Depuis 1641, le site appartenait à la famille d’origine hollandaise De Geer, qui importa la méthode wallonaise de raffinement du fer qui, lui, venait de Dannemora, à 30 km de Lövsta. De nombreux ouvriers à Lövsta étaient des immigrants wallonais. Ils participèrent à faire de Lövsta un des plus grands centres de production de fer au monde au XVIIIème siècle. L’activité sidérurgique de Lövsta s’arrêta définitivement en 1926 ; on avait depuis un moment changé de processus de raffinement et adopté la méthode de Lancashire.

Une fenêtre vitrée – Une façade bien fleurie – La pancarte de l’auberge – L’entrée de l’auberge

On dit que cette manufacture forma une communauté très particulière, relativement fermée au monde extérieur, au sein de laquelle les ouvriers vivaient au rythme des forges et dont les besoins étaient pourvus par leurs maîtres, la famille De Geer, sous forme d’école pour les enfants, de médecin pour les soins du corps et d’église pour les soins de l’âme. Les habitations des ouvriers sont en partie conservées et s’alignent le long de la rue qui fait face au manoir.

La volière – L’orangerie – L’allée d’ormes avec un arbre malade

Le manoir (« herrgård » [‘hèregaurde] en suédois) est composé d’uncorps principal et de deux ailes sur deux étages. Un peu plus loin s’élèvent deux ailes en demi-cercle qui servait de logement pour le personnel et de réserves. L’intérieur du manoir date essentiellement du XVIIIème siècle. Au rez-de chaussé, une grande salle à manger, et à l’étage, les chambres. Dans les ailes, les chambres d’invités et les cuisines. De part et d’autre du manoir, près de l’eau, ont été construits deux pavillons pour abriter l’un une bibliothèque qui est l’une des plus riches du pays avec ses nombreux volumes du XVIIIème siècle, l’autre un cabinet de curiosité comprenant essentiellement des animaux empaillés et des minéraux.

Le parc baroque est une reconstruction du XXème siècle d’après des plans originaux de 1769. L’orangerie résista aux Russes car elle avait été construite en pierre dès le début et constitue donc le seul bâtiment d’origine du complexe de Lövsta. On y cultive aujourd’hui le pélargonium dit de Lövsta. L’allée d’ormes est malheureusement touchée par le graphiose (ou « maladie hollandaise de l’orme », mais qui en fait est peut-être d’origine asiatique) contre lequel on ne peut rien faire.

L’autel de l’église – La chaire à prédiquer – Le clocher, comme bien souvent en Suède, séparé de l’église

Dans le petit village, très charmant, formé par les anciennes habitations des ouvriers, on trouve aussi une auberge (où nous avons déjeuné après avoir visité le manoir) et une église qui est surtout réputée pour son orgue magnifique. Il a été construit en 1728 (restauré en 2006) par Johan Niclas Cahman (né entre 1670 et 1680-mort en 1737) à qui l’on doit 35 orgues en Suède, dont seulement 6 ont été conservés jusqu’à nos jours (entre autres, l’orgue de la chapelle du château de Drottningholm). Juste au moment où nous y étions, l’organiste jouait après avoir accordé l’instrument en question : ce fut un des plus beaux moments de cette excursion !

L’église – Son orgue

Le mot de la semaine : « bröllop »

Je croyais déjà avoir écrit sur le mot « bröllop », mais non. Inconsciemment, j’avais peut-être réservé ce mot pour LE mariage dont tous les Suédois parlent ou surtout entendent parler en ce moment : celui de la princesse héritière, Victoria, et de son prince charmant (de sang non-royal), Daniel.

ett bröllop [ète breulope] = un mariage

bröllopet [breulopète] = le mariage

bröllop [breulope] = des mariages

bröllopen [breulopène] = les mariages

Je me suis longtemps posée la question si j’allais en parler sur mon blog. Mais le fait est qu’on n’y échappe nulle part et que c’est vraiment un grand événement. Aucun Suédois, à mon avis, n’est complètement indifférent à cet évènement : que l’on soit royaliste ou républicain, pour ou contre la famille royale suédoise, chacun à son avis sur la question.

Mâts à drapeaux autour de Skeppsholmen:

Les émissions et les reportages télévisés sur le sujet se sont multipliés ces derniers temps. Il ne se passe pas un jour sans que les journaux tabloïds aient une rubrique ayant trait aux préparatifs du mariage (cela inclut aussi la rupture des fiançailles de la petite soeur). On spécule sur les invités, la somme finale de la fête, on débatte sur qui doit mener Victoria à l’autel — son père le roi ou son fiancé (selon la tradition suédoise) ? —, sur la fonction du futur prince, on devine la destination du voyage de noces, on discute de l’être ou non-être de la monarchie suédoise.

Dans mon supermarché :

Petit à petit, des tas de produits plus ou moins banals ont changé d’apparence, portant désormais le monogramme des futures mariés, pour être vendu au profit de la fondation du couple princier. Les marques en questions sont les suivantes : Arvid Nordquist (café), Cloetta (chocolat), Delicato (pâtisseries), Ekelund (textile de table en lin), Frödinge Mejeri (gâteaux), Gustavsbergs Porslinsfabrik (porcelaine), Kiviks Musteri (jus de pomme), Mema/GAB (couverts de table), Opto Design (plateaux, sous-verre), Orrefors, Kosta Boda et Reijmyre Glasbruk (verre d’artisanat), Rörstrand (porcelaine de table), Skultuna (bijoux), Svenskt Tenn (ameublement), Upside (souvenirs), 
Weibulls (fleuriste), Åhléns (objets divers). Vous trouvez que c’est beaucoup ? Je peux rajouter qu’il y a les timbres du mariage, la glace en cornet du mariage (je l’ai goûté : rien d’extraordinaire) etc …

À Gallerian :

À Åhléns :

J’avoue qu’il y a quelques semaines, j’en avais plein la tête de ce mariage… Je n’aime pas le côté mercantilisme de cet évenement, mais il semblerait que cela tous ces produits se vendent comme des petits pains. Il y en a pour tous les goûts (sauf le mien : je n’aime pas du tout le décor de fond rempli de couronnes, d’étoiles (l’étoile du Nord) et trèfles à quatre feuilles (?)…) et tous les prix. Les soldes d’après-mariage que certains attendent avec impatience n’auront peut-être pas lieu. (Mais c’est peut-être tout simplement une manière de faire vendre encore plus avant le mariage. Comme quand on nous annonce chaque année que les dépenses de Noël dépassent le record de l’année passée …)

Vitrine de NK — Le gâteau de mariage ”du peuple” — Une variante bon marché au rayon surgelé

La ville de Stockholm a investi énormément d’argent (que je lui souhaite de récupérer…) dans l’organisation de deux semaines defestival précédant la cérémonie qui porte le nom de ”LOVE Stockholm 2010” . En l’espace que quelques jours, des pavillons sont sortis de terre ça et là comme des champignons sur Skeppsbron et sur Blasieholmen, faisant face au Palais royal. IKEA a construit une version miniature du château d’Haga (future résidence du couple princier) et y a aménagé 14 pièces. Arlanda s’est pour l’occasion rebaptisé « Love airport ». Une scène a été levée pour y accueillir des concerts tout au long du festival. Des cafés et restaurants temporaires se dressent à distance régulière pour désaltérer et rassasier les passants. Un restaurant flottant, une piste de danse et des stands vendant des produits ayant trait à « Stockholms skärgård » (l’archipel de Stockholm, vous avez la mémoire si courte ? ;- ) ) ont pris place à l’entrée de Skeppsholmen. Le Festival de Jazz annuel de Stockholm a déplacé ses dates pour avoir lieu dans le cadre de LOVE 2010. Le navire Götheborg jettera demain l’ancre en bordure de la même île (presque sous la fenêtre de mon bureau !). Tout ceci crée une ambiance estivale bien agréable et c’est vraiment un bon coup de pub de la part de Stockholm pour susciter l’intérêt du grand public.

SVT, la télé suédoise, s’installe autour du Nationalmuseum avec ses camions et ses studios et sur le toit de l’Opéra royal. TV4, concurrent de SVT dans ce contexte, a son studi plus près du Palais royal. Des écrans géants sur Skeppsbron et Kungsträdgården retransmettront la cérémonie religieuse, qui aura donc lieu samedi 19 juin (même date que le mariage du couple royal actuel), dans Storkyrkan, rénovée pour l’occasion, à deux pas du Palais royal dans Gamla stan. Le trajet du cortège pour saluer la foule est déjà planifié depuis longtemps et traversera la ville jusqu’à Djurgården pendant 2h30 (!!!), parsemé de musique militaire, avant de s’achever par le retour vers le Palais en chaloupe.

Les festivités pour le couple et leurs invités dureront quatre jours : une fête sur le Götheborg le 16 organisée par les préfets suédois, une fête privée à Drottningholm l’avant-veille, le 17 juin, organisé par le couple royal, une fête organisée par le Parlement suédois la veille, à Stadshuset (Hôtel de ville de Stockholm), et la fête du mariage en elle-même au Palais royal le 19 au soir. Différentes organisations et représentants de la société suédoise ont déjà remis leurs présents aux futurs mariés. Le livre du mariage sera mis en vente dès le jour J.

Oui, tous ces préparatifs fatiguent un peu. Certains jours, pour ma part, « bröllopsyra » [breulop(e)sura] (« yra » = exaltation, ivresse) se transforme en « bröllopshysteri » [breulop(e)s’hustéri] (vous n’avez pas besoin de traduction, là ?). Je craignais d’en faire une overdose avant le mariage en lui-même, mais je dois dire que l’aspect festif que Stockholm revêt depuis quelques jours m’a redonné un peu d’enthousiasme et je reconnais que je passerais quelques heures devant une télé samedi prochain. 🙂

(Non, je ne mettrais pas les pieds dans la capitale ce jour-là : je veux pouvoir voir quelque chose !)

Le mot de la semaine : « skärgård »

Mercredi dernier, j’avais une heure « à tuer » et comme il faisait beau, je suis allée m’asseoir sur un des bancs du quai tout juste rénové devant le Nationalmuseum. Il s’avérait que c’était « skärgårdsbåtens dag » = la journée des bateaux de l’archipel. Six bateaux avaient — avec difficulté pour cause de courant trop fort — accosté et accueillaient à leur bord de nombreuses personnes, retraitées pour la plupart. C’était une journée idéale , bleuté et ensoleillée, pour partir faire un tour en bateau dans l’archipel !

Car « skärgård » signifie « archipel ». C’est un mot composé de « skär » = petite île, et de « gård » = domaine, propriété. « Skär » est un mot d’ancien suédois tandis que « gård » est d’origine germanique (cf. yard en anglais ou Garten en allemand). Le mot « skärgård » désigne souvent les archipels suédois, de Stockholm ou de Göteborg par exemple. (Le mot « arkipelag » existe aussi mais vient du grec arkhipelagos, par l’intermédiaire de l’italien arcipelago. Un autre signe distinctif de « skärgård » par rapport à « arkipelag » est que le premier est souvent proche des côtes.)

en skärgård [ène chuèr(e)gaurde] = un archipel

skärgården [chuèregaurdène] = l’archipel

skärgårdar [chuèregaurdare] = des archipels

skärgårdarna [chuèregaurdar(e)na] = les archipels

N.B. : On retrouve ici la prononciation difficile de la combinaison de lettres « sk » comme dans « skidor ».

« Stockholms skärgård », l’archipel de Stockholm, compte quelques 30 000 îles, petites et grandes, habitées ou désertes, et s’étend sur une surface de 1 700 km2, 80 km d’ouest en est et de 150 km du nord au sud. Je peux dans ce contexte aborder un sujet géologique intéressant, j’ai nommé l’élévation de la croûte terrestre, car c’est ainsi que l’archipel s’est formé. Oui, vous avez bien lu : l’élévation de la croûte terrestre ou rebond post-glaciaire (« landhöjningen » en suédois). Nous avons tous entendu parler à l’école de l’élévation du niveau de la mer, mais celui de la croûte terrestre ? J’étais bien étonnée moi aussi quand j’ai entendu parler de ce phénomène la première fois. Mais c’est d’ailleurs pour cela que les ports de Stockholm sont en train de rénover Strömkajen [streumekaillène], le quai le long du Nationalmuseum et du Grand Hôtel, pour justement le rabaisser.

On retrouve ce phénomène aussi au Canada ; il s’explique par le fait que ces régions ont longtemps étaient couvertes d’un glacier continental ou calotte glacière (inlandsis), épais de plusieurs kilomètres, qui exerçait une pression sur la croûte terrestre. Quand le glacier a fondu, la pression a disparu et la croûte terrestre s’est donc élevée. Les chercheurs croient que l’élévation était de 75 mm/an pendant une période de 2000 ans, au fur et à mesure que le glacier fondait. Depuis que la calotte glacière a complètement disparu, l’élévation de la croûte terrestre a été de moins en moins importante, aujourd’hui, dans la région de Stockholm, d’environ quelques mm/an. Mais on prédit que cette élévation durera encore 10 000 ans. (En même temps, le réchauffement du climat cause une hausse du niveau de la mer, même en Scandinavie, ce qui relativise un peu l’élévation de la croûte terrestre.)

L’archipel de Stockholm est une des destinations favorites des Stockholmois et des touristes, surtout en été, mais il est aussi accessible une grande partie de l’hiver. Les bateaux à vapeur du début du siècle sont le moyen de transport le plus usité. On peut souvent y dîner si l’excursion est suffisamment longue. Je ne me suis pas encore trop aventurée dans l’archipel, mais j’ai l’expérience du site touristique par excellence, Vaxholm,  comme celle de l’île isolée et relativement peu peuplée, Landsort.

Ces bateaux ne voyagent pas seulement vers l’est, dans l’archipel de Stockholm, mais aussi vers l’ouest, dans le lac Mälaren. Dans ce sens-là, je vous recommande entre autre d’embarquer à destination des châteaux de Gripsholm et de Drottningholm ou de Birka, une des premières villes suédoises connues pour ces vestiges de l’époque viking. Pour Mariefred/Gripsholm et Birka, il s’agit d’une excursion d’une journée, aller-retour. Pour Drottningholm, on y est en une heure.

Pour en revenir à mon moment de lecture au soleil sur Strömkajen, je dois vous avouer que je n’ai pas lu autant que j’avais espéré, mais l’expérience n’en était pas moins désagréable pour autant. J’ai bien envie de faire quelques excursions dans l’archipel stockholmois cet été ! 🙂