Le mot de la semaine : « politiska partier »

Les Suédois, dont je fait partie depuis deux ans maintenant, ont voté dimanche dernier pour les législatives, les régionales et les municipales. Près de 95 % d’entre nous nous sommes réveillés lundi matin avec un goût amer dans la bouche et encore sous le choc des résultats annoncés la veille au soir : les Démocrates suédois (Sverigedemokraterna = SD), parti d’extrême-droite, avaient gagné 5,7 % des voix, et ainsi passé la barre des 4 % pour entrer au Riksdag, la Diète suédoise.

Depuis mercredi, après le recompte habituel des voix, nous savons maintenant le résultat officiel, mais pas encore la composition du gouvernement. Jugez des chiffres suivants :

L’alliance rouges-verts = 156 sièges

L’Alliance de droite (au pouvoir depuis 2006) = 173 sièges

Sur un total de 349 sièges, il ne manque que deux places à l’alliance de droite pour avoir la majorité et pouvoir former un gouvernement sans problème. Il y a éventuellement la solution de former un gouvernement minoritaire, mais cela risque de compliquer le travail des quatre années à venir. Il y a aussi la situation de parlementer avec les Verts pour former un gouvernement majoritaire avec eux. Sur plusieurs points, leur politique est relativement proche de celle de la droite, mais ils se sont de plus en plus rapprochés de la gauche au cours des dernières années. Accepter de coopérer avec un gouvernement de droite reviendrait à trahir de nombreux électeurs écologistes de gauche et cela nuirait bien sûr à la crédibilité du parti. Mais en même temps, que faire, quand il est clair — et heureusement !… — que l’alliance de droite refuse de coopérer avec l’extrême-droite ?

Beaucoup de questions et débats ont surgi cette semaine : Pourquoi cette victoire du SD ? Comment les sociaux-démocrates ont pu obtenir les pires résultats de l’histoire du parti ? Que faire maintenant ? Exclure le SD de certaines commissions parlementaires ? … Certains exigent de nouvelles élections, d’autres veulent faire appel, on entend dire que des électeurs auraient confondu ”Socialdemokraterna” et ”Sverigedemokraterna” et ainsi voté pour le ”mauvais” parti …

Le mot « ansvar » = responsabilité a connu, à mes yeux, une certaine inflation : SD veut prendre la responsabilité pour tout le pays, on demande aux Verts de prendre leur responsabilité et de se joindre à l’alliance de droite, l’alliance de droite doit prendre ses responsabilités et s’ouvrir vers la gauche, les sociaux-démocrates doivent prendre leur responsabilité et Mona Sahlin, leur leader, démissionner … Sincèrement, je crois que tous, les politiques et la population suédoise entière, doivent prendre leurs responsabilités : accepter le résultat et aller de l’avant, analyser pourquoi presque 6 % des Suédois votent SD, et prendre le débat de l’immigration à bras le corps et trouver des solutions aux problèmes qui font que certains Suédois en ont marre et se tournent vers l’extrême-droite ; par conviction ou pour protester, cela n’a pas d’importance, le résultat est le même.

Je ne crois pas que boycotter le SD soit la bonne solution. Maintenant qu’ils sont au parlement, ils faut les laisser participer aux débats aux mêmes conditions que les autres partis, de manière démocratique. Les exclure ne ferait que renforcer l’image de martyr qu’ils veulent volontiers faire circuler : censurés, brimés, persécutés, etc… Au final, je crois que leur programme politique se montrera de lui-même non-viable dans une société globalisée comme la nôtre et leur comportement anti-démocratique. Ils ne sont, somme toute, que 20 sur 349 (même si cela ne diminue pas la honte que de nombreux Suédois ressentent aujourd’hui).

Dans un domaine linguistique complètement dépourvu de couleur politique, le mot « ett parti » se comporte de manière inhabituelle car il se décline au pluriel comme s’il était un substantiv en « -en » :

ett politiskt parti [ète politiskte parti] = un parti politique

det politiska partiet [dète politiska partiète] = le parti politique

politiska partier [politiska partière] = des partis politiques

de politiska partierna [dé/dome politiska partièr(e)na] = les partis politiques

Le mot de la semaine : « kurir »

Dans 9 jours ouvre l’exposition « Härskarkonst (= Arts du pouvoir). Napoleon — Karl Johan — Alexander », la grande exposition de l’automne-hiver 2010 du Nationalmuseum, du 30 septembre au 23 janvier 2011 qui traite des arts en France, Suède et Russie à l’époque de Napoléon. Karl Johan fait référence à Jean-Baptiste Bernadotte qui fut élu prince héritier au trône suédois il y a 200 ans et Alexandre au tsar russe.

C’est l’exposition pour laquelle j’ai travaillé depuis début 2009. Au fur et à mesure que le temps a passé, l’intensité du travail a augmenté et elle atteignit son maximum il y a deux semaines et ne s’apaisera qu’après l’inauguration dans une semaine et demie.

La phase finale est le montage de l’exposition avec l’arrivée de plus de 400 objets aussi divers que peintures, sculptures, objets d’art, bijoux, costumes etc. Qui dit montage, dit convoyeurs.

en kurir [ène kurire] = un/e convoyeur

kuriren [kurirène] = le/la convoyeur

kurirer [kurirère] = des convoyeurs

kurirerna [kurirèrena] = les convoyeurs

Ma collègue d’origine russe se chargent des œuvres d’art et des convoyeurs provenant de Suède et de Russie, tandis que je m’occupe de celles et ceux de France et des autres pays (Allemagne, Danemark, Italie, Angleterre et États-Unis). Le musée de l’Ermitage, où l’exposition sera montrée de mars à juin 2011, livrait une cinquantaine de caisses il y a deux semaines et la première semaine de montage a donc était dominée par la visite de nombreuses convoyeurs russes (oui, que des femmes).

La semaine dernière, c’était presque trente caisses qui arrivaient de France et d’Allemagne. Tout a été installé la semaine dernière avec l’aide d’une dizaine de convoyeurs. La journée la plus longue fut celle de jeudi, de 9h à 19h30 (mais j’étais au musée depuis 8h) avec cinq convoyeurs. Nous redoutions la journée de montage de vendredi avec 23 œuvres du château de Fontainebleau, mais nous pouvions nous mettre en week-end à 17h30. Après tant de préparation, cela faisait très plaisir de voir tous ces objets se rassembler sur place et d’accueillir les convoyeurs avec qui j’étais en contact depuis quelque temps. Tous étaient satisfaits de leur séjour à Stockholm et c’est très gratifiant !

La semaine à venir sera plus calme pour ma part, avec l’arrivée de deux convoyeurs mercredi et vendredi, puis encore quatre le lundi 27 septembre, la veille de la présentation de l’exposition à la presse, l’avant-veille de l’inauguration officielle en présence du couple royal de Suède et du dîner de gala. Mais cela ne veut pas dire que l’on va se tourner les pouces pour autant : il faut encore installer les œuvres du musée et celles provenant des collections royales, puis faire les étiquettes, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais je crois qu’on parviendra à respecter le deadline sans problème. On n’a pas le choix de toutes manières. 😉

Cette exposition est la plus grande exposition du Nationalmuseum depuis celle de « Catherine II et Gustave III » il y a 10 ans, ma première exposition, c’est dire si je ne suis pas peu fière ! 🙂

Le mot de la semaine : « upplevelse »

Nous sommes sept, cinq collègues, moi-même et une inconnue qui ne parle pas suédois. La guide s’adresse alors à nous en anglais et nous mène au deuxième étage du musée, où elle nous laisse à un homme qui nous fait signe de le suivre. Il se déplace à pas lents et silencieux ; nous ralentissons le rythme des nôtres et je regrette presque d’avoir des chaussures à talons qui claquent sur le paquet des salles du musée. Nous faisons ainsi le tour du premier étage, puis il nous fait descendre à mi-chemin dans l’escalier où des bancs nous sont réservés. Nous nous asseyons en silence, nous lançant quelques regards interrogatifs, mais confiants. Nous ne savons pas ce qui nous attend, mais nous n’appréhendons pas, au contraire, nous avons hâte de voir ce qui va se passer.

L’homme, qui avait disparu en bas de l’escalier, revient avec des écouteurs alignés sur un bras. Doucement, il les pose sur nos oreilles, nous isolant ainsi du monde sonore extérieur. Dès lors, nous n’entendons plus que des bruits enregistrés de pas et de conversations atténuées. Puis une voix, douce et agréable à écouter, nous donne des instructions. La femme inconnue se lève et commence à descendre les escaliers. Nous restons assis. Puis la voix me demande de suivre l’inconnue. Je comprends alors que nous n’entendons pas tous la même chose. Ou en tout cas, pas en même temps ; car mes collègues ne tardent pas à me suivre. L’inconnue s’est arrêtée derrière une femme longue et mince, vêtue d’une robe beige un peu stricte. On nous dit qu’elle est notre guide ; nous la suivons à travers les salles de mobilier de siècles passés ; la voix attire notre attention sur certains objets. Puis nous nous arrêtons ; on nous demande de fermer les yeux ; un bandeau est alors posé sur mes yeux par des mains invisibles.

J’ouvre les yeux et ne voit plus qu’une lueur blanche devant moi. À partir de ce moment-là, je suis complètement isolée de mes collègues. Quelques secondes plus tard, une main soulève doucement la mienne et m’entraîne. Ne voyant pas où je mets les pieds, mes premiers pas sont hasardeux et lents, mais peu à peu je me fie à la main qui continue à me mener. La voix m’incite à me baisser pour passer une porte, à tourner à droite ou à gauche, à m’arrêter là puis reculer ici … La main me quitte parfois mais revient toujours pour m’entraîner plus loin, plus haut, plus bas. Je ne sais plus où je suis … La voix et les bruits me suggèrent une grande salle où les pas résonnent ou une forêt où mes pieds foulent un chemin couvert de feuilles séchées …

De temps en temps des lumières colorées traversent le bandeau qui couvre mes yeux. On attire mon attention sur ma respiration, sur la lourdeur de mes pas, sur la lenteur de mes mouvements. Des gens se déplacent autour de moi, je sens leurs mouvements dans l’air qui m’entoure. Parfois je dois me déplacer seule, j’avance alors à tâtons, je frôle un mur froid ou une colonne hexagonale. Je ne suis définitivement plus dans la pièce où l’on m’a bandé les yeux, mais je n’ai aucune idée du chemin emprunté pour arriver dans cette pièce.

On me redemande de fermer les yeux ; le bandeau est oté ; puis on m’autorise à ouvrir les yeux. Je vois mes collègues autour de moi. La voix nous mène dans la pièce suivante où des gens sont allongés autour d’un tapis. Nous nous allongeons sur le tapis quelques minutes avant que les gens allongés autour de nous nous rejoignent autour du tapis pour nous signaler que nous sommes arrivés à destination. C’est seulement à ce moment-là que je comprends que l’inconnue fait en fait partie du ”groupe de mains” qui nous a guidé à travers les salles du musée.

Ceci était une répétition de ”Symphony a Missing Room”, une ”performance” faite dans le cadre de l’exposition ”Arbete pågår/Work in progress” qui explore de nouvelles formes d’exposition avec la lumière naturelle. L’expérience avait déjà eue lieu l’automne dernier et avait rencontré un grand succès. Elle avait même était nommée événement culturel de l’année 2009. Cet automne, toutes les places sont vendues avant même que la performance commence officiellement, du 7 au 19 septembre. C’est dire si le grand public guettait son retour !

”Symphony of a Missing Room” est l’oeuvre de Lundahl & Seitl, une expérience intéressante mettant en scène un milieu muséal, les membres d’un groupe d’artistes qui a composé les effets sonores et la chorégraphie à travers laquelle ils guident des visiteurs qui se laissent prendre au jeu. C’est une expérience, « en upplevelse » que je recommande chaudement, si vous avez l’occasion de les rencontrer. Ils se produisent en effet dans différents musées européens, toujours avec le même succès !

en upplevelse [ène upelévèlsé] = une expérience

upplevelsen [upelévèlsène] = une expérience

upplevelser [upelévèlsère] = des expériences

upplevelserna [upelévèlsèrena] = les expériences

Le mot de la semaine : « äpple »

Septembre est là et l’automne avec, et c’est la saison des pommes !

À 10 minutes en bus de Slussen, à Nacka, c’est-à-dire en banlieue tout proche de Stockholm, il y a un endroit idyllique qui s’appelle Svindersvik [svinedèrechvique] : un manoir rococo construit datant de la moitié du XVIIIème siècle que l’on peut visiter les samedis et dimanche de mi-mai à fin juin, puis les dimanches de juillet à mi-septembre (plus d’information ici et des photos ).

Ce manoir possède un verger avec des pommiers aussi vieux que le manoir. Même si certains d’entre eux ont des troncs désormais creux, ils donnent encore des fruits! Il s’agit donc d’anciennes sortes de pommes suédoises.

À proximité du manoir, au bord de l’eau, il y a un café tout à fait adorable, Svindersviks Brygghus. Les deux premiers week-ends de septembre, les récoltes de pommes sont utilisées dans la composition d’un « äppelkaksbuffé » [èpèlekaks(e)bufé], un buffet de gâteaux aux pommes. Sept sortes de gâteaux étaient annoncés, mais je crois qu’il y en avait plus.

J’ai voulu goûté à tout bien sûr (les parts étaient petites, c’était parfait !). Mon préféré reste tout de même l’indémodable strudel aux pommes avec des raisins secs. Le tout accompagné d’une tasse de thé à la pomme et à la cardamome (mon épice préférée), et mon quatre-heure était royal !

ett äpple [ète èplé] = une pomme

äpplet [èplète] = la pomme

äpplen [èplène] = des pommes

äpplena [èplène] = les pommes

N.B. : Quand le mot « äpple » fait partie d’un mot composé, il y a inversion des deux lettres finales. Cela donne « äppel- » [èpèle].