L’église Gustaf Vasa

L’église Gustaf (ancienne orthographe de Gustav) Vasa est située à côté de la place d’Oden (Odenplan) et fut inaugurée en 1906. L’architecte Agi Lindegren (1858-1927) lui donna un plan centré en croix grecque et un style nouveau baroque. Elle est une des plus grands églises de Stockholm et peut rassembler jusqu’à 1 200 personnes. Le retable est beaucoup plus ancien que l’église : il fut réalisé par Burchardt Precht entre 1725 et 1751 pour la cathédrale d’Uppsala qui s’inspira de celui de l’église du Gesù à Rome. Le décor peint de la coupole est dû à Vicke Andrén (1856-1930).

Vous vous êtes peut-être demandés pourquoi la remise de diplôme de sage-femme auquel j’ai assisté la semaine dernière se déroulait dans une église ?

C’est une vieille tradition suédoise : on fête souvent les fins d’années scolaires dans les églises, même si le christianisme n’est plus religion d’état depuis 2000. L’équivalent suédois de l’Éducation nationale (Skolverket) conseille que l’accent soit mis, à ces occasions, sur le fait de fêter ensemble et non pas sur les traditions religieuses. Pour les chants, on choisit des psaumes qui soulignent la beauté de la nature suédoise plutôt que la religion.

Cela crée des débats bien sûr, d’autant que la population suédoise se diversifie de plus en plus. Les parents et les élèves de croyance autre que le christianisme ont parfois du mal à accepter cette tradition. La présence des élèves n’est pas obligatoire, mais il est dommage de les priver de ce moment de fête. En même temps, peu de Suédois, croyants ou non, peuvent s’imaginer cette cérémonie dans un autre lieu qu’une église.

Personnellement, je ne suis pas croyante, mais si on doit résumer mon éducation, c’est bien par le concept de ”laïcité”. Ce concept est plus ou moins inconnu en Suède, et les discussions que j’ai eu à ce sujet avec mon « sambo » sont parfois un peu agitées. 🙂 Si les Suédois ne sont pas laïques (l’enseignement des religions fait partie du programme scolaire, mais il ne s’agit en aucun cas de catéchisme : cet enseignement englobe toutes les grandes religions et est plus tourné vers l’historique et le social pour aider à la compréhension des cultures étrangères et par là même augmenter la tolérance inter-culturelle), ils sont très sécularisés dans le sens où la religion est pour eux une chose hautement privée qui s’exerce de manière non-ostentatoire. C’est ainsi que de nombreux Suédois, non-croyants, peuvent entrer dans une église sans en ressentir son symbole religieux. Et c’est ainsi qu’ils trouvent que les autres populations devraient faire de même. On remarque une incompréhension des deux côtés, d’où des débats plus ou moins virulents.

Pour ma part, je trouve que les églises suédoises offrent un bel environnement pour ce genre de célébration. Les pasteurs, souvent présents à ces occasions, tiennent un discours qui peut être entendu de tous, croyants et non-croyants, comme l’a fait par exemple le pasteur de l’église Gustav Vasa vendredi dernier. Sans être irrespectueux du milieu dans lequel on se trouve, on peut organiser une belle cérémonie qui parfois réserve bien des surprises, comme le programme musical de vendredi dernier. Les nouvelles sages-femmes rentrèrent dans l’église pendant que l’organiste jouait ”Keep on Walking” de Salem al-Fakir. Les autres chansons, entre les différents moments (deux discours, remise de prix, remise de diplômes et de broches), étaient tous sauf des psalmes ; entres autre ”What a Wonderful world” de Louis Armstrong ainsi que ”Det gåtfulla folket” (= ”Le peuple énigmatique”) de Beppe Wolgers (texte) et Olle Adolphson (musique) dont j’aime beaucoup les paroles. En voici la traduction :

Les enfants sont un peuple et ils vivent dans un pays étranger,

ce pays est une pluie et une flaque

Sur cette flaque vont parfois les bateaux de garçons, et ils glissent si joliment sans quille

Voilà une fille qui collectionne des pierres, elle en a un million

Le roi des arbres est assis tranquillement sur son trône parmi les branches

Voilà un garçon qui rit de la neige

Voilà une fille qui fait une île de quinze cousins

Et là un garçon qui transforme tout ce qu’il touche en crème glacée

Tous sont des enfants et ils font partie du peuple énigmatique

***

Les enfants sont un peuple et ils vivent dans un pays étranger,

ce pays est un champ et un vent

Voilà un garçon qui découvre une nouvelle Samarcande et s’envole en se balançant sur un portail

Voilà une fille qui fredonne une chanson sur des cônes de pins, elle a en elle-même deux

Voilà un garçon debout devant une clôture où il gribouille que la terre est bleue

Voilà un garçon devenu indien

Et là, le roi de l’ombre marche dans la ville à la recherche de méchants

Voilà une fille qui essaye une grimace festive qu’elle vient d’inventer

Tous sont des enfants et ils font partie du peuple énigmatique

4 reaktioner på ”L’église Gustaf Vasa”

  1. Oui, le concept de Laïcité est ici assez étranger ici…
    Pour une fête de fin d’étude, bof bof la déco et puis, au niveau des chants, un bon Abba serait mieux… C’est mieux pour danser….
    En tout cas, vive l’opium populaire comme on dit….

    1. @JacquesG : La photo d’extérieure est pratiquement impossible à faire, vue que l’église est située à côté d’une place centrale de Stockholm avec toujours des bus et des voitures qui passent. Il y a en plus des travaux alors il est difficile de prendre du recul.
      @Tif : Les enfants sont rois en Suède et incritiquables. 😉 Je ne trouve pas que l’enseignement des religions dans l’école suédoise ne laisse pas la place aux athées ou aux personnes très religieuses. Tel que je le vois, l’enseignement des religions consiste à donner des connaissances générales dans les plus grandes religions du monde. Il n’a pas pour but de convertir, pas du tout !

  2. Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est le paradoxe entre l’attachement au lieu ”église” en tant que tradition, et le je-m’en-foutisme affiché au niveau respect du caractère sacré du lieu. Parce que les casquettes sur la tête, les épaules découvertes, les tenues indécentes, sans parler des mômes qu’on peut laisser courir et brailler là-dedans… c’est considéré comme un signe de modernité. (En fait l’opposé de mon fonctionnement, je vais dans les églises le moins possible, mais si je dois y aller je sais me tenir, et me couvrir ;-P ) J’ai entendu plusieurs personnes très croyantes et pratiquantes être chagrinées de ce type de comportement, mais ces gens là, pour qui l’église est un lieu de pratique religieuse (et non pas une chouette salle des fêtes avec un effet d’écho au top) n’ont pas vraiment l’air d’avoir voix au chapitre en ce qui concerne les règles de bienséance élémentaires. Un comble quand même!
    Au niveau des écoles, cela doit vraiment dépendre des endroits, mais l’éducation religieuse n’est pas vraiment ”ouverte” partout…je trouve le système soit-disant séculaire assez insidieux.Il ne laisse ni place aux athés, ni aux personnes très religieuses. Bizarre pour un pays qui défend un spectre de la religion assez large…mais c’est plus diplomate de ne pas vraiment laisser de place aux gens, ce le serait beaucoup moins de se permettre de qualifier certains groupes de ”sectes” 😉
    Merci pour cet article, même si ma position reste inchangée et est plus virulente que la tienne 🙂

    D’accord avec Pascal au sujet d’Abba 😉 ”Dancing Queen” c’est plus fun que ”Den blomstertid” 😀

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