Hans Gedda au Nationalmuseum

Dans son exposition actuellement en cours, le Nationalmuseum de Stockholm a choisi d’inverser la chronologie. Au lieu d’exposer de l’art ancien et de le commenter avec des œuvres modernes, on montre cette fois-ci de la photographie contemporaine à laquelle se juxtapose des peintures du XVIIème siècle. L’exposition s’intitule Hans Gedda et les maîtres de l’obscurité. Hans Gedda est un photographe suédois né en 1962; les maîtres de l’obscurité sont les caravagesques, des peintres européens qui peignaient dans le style du Caravage.

 

Hans Gedda

Hans Gedda [prononcer ‘hanse yéda] reçut son premier appareil-photo de son père lorsqu’il avait 12 ans. Dès 1957, il gagna un concours photographique avec à la clé un meilleur appareil, avec lequel il prit ses œuvres de jeunesse que l’on voit au début de l’exposition. Il n’a pas suivi de formation photographique à proprement parler, à part le fait de travailler dans la chambre noire du célèbre Atelier Uggla à Stockholm. C’est là que Rolf Winquist lui appris le métier.

 

 

Dans les années 1970, il travailla pour divers magazines et faisait des reportages de mode et de déco, ainsi que de la photo publicitaire. À chacune de ses missions, il en profitait toujours pour prendre des portraits pour lui, bien souvent plus personnels, toujours en noir et blanc, qui n’étaient alors pas publiés, mais qui aujourd’hui caractérisent bien son style. La plupart du temps, il garde le cadre du négatif, car il lui est impensable de recadrer le motif après coup; selon lui, il faut le faire directement dans l’objectif. Il utilise le plus souvent des appareils Hasselblad et il se réclame plus volontiers du format carré.

Au fil des années, il a pris de nombreux portraits de Suédois plus ou moins connus, mais il s’est aussi fait un nom hors les frontières avec les portraits de Andy Warhol, Al Jarreau ou Nelson Mandela. Nelson Mandela avait choisi la Suède comme destination pour son premier voyage officiel à l’étranger après sa libération de prison et c’est dans ce contexte que Hans Gedda a eu l’occasion de faire une série de portrait. La photo désormais devenue icône où le pacifiste ferme le poing sur son front était la dernière de la série, la dernière du film — et celle qui allait conquérir le monde avec une force de frappe inouïe.

À l’occasion des 50 ans du roi Carl XVI Gustav, Hans Gedda fut chargé de prendre une série de portraits officiels. Là aussi, il réussit à négocier une série de portraits plus intimes, qui désormais appartiennent aux collections du Nationalmuseum et font partie de la Galerie nationale de portraits. C’est ainsi que débuta une relation fructueuse entre le photographe et le musée, qui résulta entre autre dans le très beau portrait de Tomas Tranströmer — probablement ma photo préférée de Hans Gedda. Dans une composition rappelant les portraits de la Renaissance, le poète (plus tard prix Nobel de littérature) est assis de profil, la main reposant sur la table; un scarabée symbolise son intérêt pour les insectes. Cette photo respire le calme, la modestie, l’introspection et l’intégrité.

Jusqu’à il y a seulement quelques années, Hans Gedda travaillait en argentique et développait lui-même ses photos dans son studio à Stockholm. Aujourd’hui, il compose aussi des natures mortes, qui bien souvent prennent des allures de portraits. Pour ces natures mortes, il utilise des objets qu’il a collectioné au cours des années et qui lui ont servi d’accessoires dans ses portraits. À partir de ce nouveau style, il a aussi commencé à s’exprimer sous forme de sculpture. Le photographe connu pour une activité plutôt commerciale est en fait un artiste qui ne cesse d’évoluer.

 

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Les dix commandants de Gedda :

Laisse le modèle être lui-même

Approches-toi

Cadres dans le viseur

Ne surestime pas la technique car elle te fera échouer

Tu n’auras d’autre dieu que toi-même

Fiche-toi de Mammon car elle te rendra conciliant et obséquieux

Reste amateur dans le coeur et professionnel dans la cervelle

Fais confiance à ton intuition

Ne crois pas au soleil

Crois en toi

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Les maîtres de l’obscurité — les caravagesques

Du noir et blanc de Gedda au clair-obscur des caravagesques, il n’y a qu’un pas. Le Caravage (1571-161) était actif entre autre à Rome et développa un réalisme avec de forts contraste entre la lumière et les ombres. De nombreux artistes, les caravagesques, suivirent ses traces, par exemple José de Ribera (italien), Francisco de Zurbarán (espagnol) och Jacob Jordaens (flamand) qui comptent parmi les 24 artistes présents dans la deuxième partie de l’exposition. On peut y voir une trentaine d’huiles sur toile — magnifiquement éclairées par Jan Gouiedo ! — traitant de sujets religieux et profanes. Les motifs religieux n’étaient pas toujours très appréciés dans ce style par les églises qui les avaient commandités et ils finissaient bien souvent dans des collections privées, une des raisons pour lesquelles ils sont maintenant répartis dans des musées partout dans le monde. Les ermites et les saints en souffrance côtoient des diseuses de bonne aventure, des portraits, des vanités et des natures mortes.

Le voile de Véronique par Francisco de Zurbaran

Le seul Georges de La Tour, un autre caravagesque, que le Nationalmuseum possède ne fait malheureusement pas partir de l’exposition puisqu’il était prêté à un musée français, mais à la place vous pourrez le voir à la prochaine exposition du musée, Baroque!, à Kulturhuset, du 5 avril au 19 octobre.

 

L’exposition Hans Gedda et les maîtres de l’obscurité continue jusqu’au 30 mars 2014.

 

Version suédoise ici

2 reaktioner på ”Hans Gedda au Nationalmuseum”

    1. Elle est très bien et je crois qu’elle a eu pas mal de succès. C’est le dernier jour aujourd’hui.

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