Au Nationalmuseum, je travaille à 50 % avec une exposition internationale qui ouvrira en septembre 2010 et qui aura pour sujet « L’art du pouvoir – Napoléon, Karl XIV Johan, Alexander Ier ».
(Source des photos de Napoléon, Karl XIV Johan et Alexandre 1er)
Nous avons commencé le projet depuis quelque temps déjà, mais cette semaine, nous avons reçu nos collègues de de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg pour une réunion de trois jours, pour bien ancrer l’exposition des deux côtés. C’est dans ce cadre que j’ai eu l’honneur de serrer la main de Victoria, la princesse héritière de Suède, qui était invitée à assister à notre réunion de jeudi matin.
Inutile de vous dire que j’étais assez nerveuse en vue de cette rencontre. Je ne suis pas impressionnée par les titres de noblesse, comme nos collègues russes ou même certaines de mes collègues, mais la princesse sera dans le futur amenée à représenter la Suède, et ce n’est quand même pas si facile que cela. Je crois que j’aurais été aussi nerveuse si nous avions eu la visite du premier ministre ou même de la ministre de la culture (bien que je ne l’apprécie guère en ce moment – je reviendrais peut-être sur le sujet un de ces jours). Devant ces trois personnes, il est important de faire bonne impression, quelqu’en soit la raison.
Pour ce qui est de l’étiquette, il faut savoir qu’on ne tutoye ni vouvoie un membre de la famille royale. Soit on évite ce genre de formulation, soit on dit « Sa Majesté », quand il s’agit du roi ou de la reine, et « Son Altesse Royale » quand il s’agit des enfants du couple royal. Ou tout simplement « Kronprinsessan » quand il s’agit de la princesse héritière.
Le mot est composé de « kron- », de « krona » = couronne, et de « prinsessa » = princesse, qui se décline comme suit :
en prinsessa [ène princéssa] = une princesse
prinsessan [prinecéssane] = la princesse
prinsesssor [prinecéssore] = des princesses
prinsessorna [prinecéssor(e)na] = les princesses
Victoria et Daniel Westling (source photo)
Victoria est née le 14 juillet 1977 comme premier enfant de la famille royale. Elle a un frère, Carl Philip, né en 1979, et une sœur, Madeleine, née en 1982. Au moment de la naissance de Victoria, l’héritier du trône était encore, selon la loi, le fils aîné du couple royal. Mais en 1980, le parlement suédois a fait voté la loi selon laquelle l’enfant aîné, fille ou garçon, devient héritier. Victoria a donc été élevée et éduquée dans ce but-là. Elle vit depuis de nombreuses années avec un « roturier », Daniel Westling. Leur fiançailles ont été annoncées ce printemps et le mariage est fixé au 19 juin 2010. La famille royale actuelle est descendante de Jean-Baptiste Bernadotte, maréchal de Napoléon, qui fut élu prince héritier suédois en 1810 et prit le nom de Karl XIV Johan. Cela fera donc 200 ans l’an prochain et c’est justement à cette occasion que nous organisons cette grande exposition.
Au cours de notre réuninon de jeudi, la princesse héritière a montré beaucoup d’intérêt à notre projet d’exposition en posant des questions et en faisant des commentaires. Elle a fait preuve d’humour et a réussi à détendre l’atmosphère par son seul comportement naturel et simple. Pas de « chichi », simplement habillée, très discrètement maquillée, les cheveux réunis à l’arrière de la tête par une simple pince à cheveux, pas de bijoux ostentatoires (mais LA bague de fiançailles ornée d’un diamant). À table, elle a accordée son attention à ceux qui étaient le plus proche d’elle. Et avant de partir, elle a tenu à serrer la main et à remercier tout le monde.
Au cours de ces quelques heures, je n’ai eu que l’occasion de lui dire bonjour et mon nom puis de la remercier à mon tour à la fin. Je ne me faisais aucune illusion, il n’y avait aucune raison qu’elle m’adresse la parole plus que cela. Je ne suis que secrétaire d’exposition, et je ne m’attendais pas un traitement de faveur. Mais cette rencontre m’a donné une image très agréable de la princesse héritière.
Que je sois pour ou contre la monarchie n’a aucune importance dans ce contexte. On peut en effet remettre en question l’existence de la famille royale suédoise qui n’a aujourd’hui aucun pouvoir politique, « seulement » un rôle représentatif. Mais le fait est qu’elle est très populaire, auprès des Suédois comme des étrangers. Et les récentes fiançailles n’ont pas apaisé cet engouement. On peut aussi remettre en question le fait de se marier avec un roturier. Le fait est que son père, le roi lui-même, l’a fait, même si la reine Sylvia est issue d’une famille bourgeoise aisée. Pour moi, la situation actuelle est la preuve que la monarchie n’a plus aucune raison d’être dans notre monde d’aujourd’hui, et que c’est d’une certaine manière, le début de la fin. Mais en attendant que la monarchie suédoise se dissolve d’elle-même, il faut faire avec. Et tant que les membres de la famille royale font leur travail et sont populaires, je ne vois pas vraiment de gros problème.