Le choix du mot de la semaine s’est révélé être évident après l’heureux évènement qui a engagé des nombreux Suédois depuis jeudi matin. Je veux parler bien sûr de la naissance du premier enfant de la princesse héritière Victoria et du prince Daniel, une petite fille. le 23 février à 4h26 à l’hôpital de Karolinska.
À 7h du matin, un père ému et fier annonçait à la presse que la mère et l’enfant se portaient à merveille. La princesse mesurait 51 cm et pesait 3 280 grammes à la naissance. L’accouchement avait pris environ 3 heures et la petite famille rentrait chez elle, au château d’Haga, seulement 8 heures après la naissance.
en födelse [ène feudèlesé] = une naissance
födelsen [feudèlesène] = la naissance
födelser[feudèlesère] = des naissances
födelserna[feudèlesèr(e)na] = les naissances
ou:
en födsel [feudsèle] = une naissance
födseln[feudsèl(e)ne] = la naissance
födslar[feudslare] = des naissances
födslarna [feudslar(e)na] = les naissances
Une naissance dans la famille royale donne lieu à plusieurs cérémonies traditionnelles d’origine plus ou moins anciennes. La première est la coutume de tirer 21 coups de canon dans les heures qui suivent l’accouchement. Dans le cas d’un enfant héritier du trône, on tire 2 fois 21 coups, c’est-à-dire 42 coups, et c’est ce qui s’est passé jeudi à midi, en plein Stockholm, depuis l’île de Skeppsholmen, puisque la princesse nouvelle-née (dont on ne connaissait pas encore le nom) est deuxième dans l’ordre de succession au trône suédois, après sa mère.
Juste à ce moment-là, jeudi à midi, je sortais du Nationalmuseum et j’ai été frappée de voir qu’autant de monde était venu assisté à cette cérémonie ! Le pont qui mène à Skeppsholmen, la rive qui fait face au Palais royal, la place à gauche du Palais, et jusque devant l’Opéra royal : tout était noir de monde. (La dernière fois qu’on a tiré 42 coups de canon, c’était pour la naissance du prince Carl Philip, qui est né prince héritier en 1979 mais perdit sa place en 1980 à l’avantage de sa grande sœur après un changement de la constitution suédoise, et le public était loin d’être aussi nombreux.) C’était finalement assez émouvant de témoigner de la popularité de cette naissance, même si les principaux protagonistes n’étaient pas présents.
La deuxième tradition est que le président du parlement suédois, Per Westerberg, le premier ministre, Fredrik Reinfeldt, le maréchal du royaume de Suède, Svante Lindqvist et la maîtresse de la garde-robe royale, Alice Trolle-Wachtmeister rendent visite aux jeunes parents pour témoigner de la naissance, ce qui eut lieu le lendemain, le vendredi 24 février.
Ensuite, lors d’un conseil extraordinaire au Palais royal, l’actuel roi de Suède, Carl XVI Gustav, a annoncé au gouvernement suédois les prénoms et titre de la jeune princesse : elle s’appelle ainsi Estelle, Silvia (après sa grand-mère maternelle), Ewa (après sa grand-mère paternelle) et Mary et elle a été faite duchesse d’Östergötland, dont la plus grande ville est Linköping (voir le mot de la semaine dernière).
Le choix du prénom Estelle a étonné tout le monde. Certains ont trouvé que ce n’était pas un prénom royal, mais qu’est-ce qu’un prénom royal ? Que les parents aient choisi de ne pas suivre la tradition n’est, à mes yeux, pas du tout choquant. Et pourtant, cela a choqué un Suédois en particulier, le journaliste et historien populaire Herman Lindqvist, qui trouvait qu’il était inadéquat pour une princesse de porter le nom d’une ”reine de discothèque” (ne me demandez pas d’où lui vient cette association…) Mais c’est un prénom qui existe dans la famille Bernadotte : Folke Bernadotte, petit-fils d’Oscar II, diplomate de profession, s’était en effet marié à Estelle Manville.
La dernière cérémonie traditionnelle suivant la naissance d’un prince ou d’une princesse suédoise est une d’action de grâce religieuse, un Te Deum, dans l’église du Palais royal qui rassemblait la famille royale, la famille du prince Daniel, le gouvernement suédois ainsi que les têtes des partis politiques, et le personnel de la cour royale. Le baptême devrait avoir lieu dans les trois mois à venir.
Te Deum i Slottskyrkan from Kungahuset on Vimeo.
Je ne suis pas royaliste, mais je n’ai malgré tout pas pu m’empêcher de me laisser emportée par l’effervescence causée par cette naissance. J’ai été touchée par les réactions en majorité positive du peuple suédois, mais en même temps, j’ai pensé plusieurs fois : ”Si elle savait ce qui l’attend …” La petite Estelle n’est pas à plaindre, mais sa voie est toute tracée depuis les premières heures de sa vie. Même si la famille royale suédoise veut être très proche du peuple, on ne peut pas faire abstraction de leurs conditions de vie très privilégiée ni des contraintes que leur fonction, héréditaire et donc anti-démocratique, implique.
Et quand le premier ministre, Fredrik Reinfeldt, en adressant ses plus sincères félicitations aux heureux parents, achève en disant que la Suède fait maintenant face à une nouvelle ère de reines, cela ne donne aucun espoir d’abolition de la monarchie suédoise dans un avenir proche. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Je ne sais pas … Toujours est-il que la famille royale a gagné énormément en popularité ces derniers jours et j’imagine que de nombreux Suédois se réjouissent déjà à l’avance d’une nouvelle ère d’« Hagasessor » ; ce mot, formé de « Haga » et de « sessor », diminutif de « prinsessor » = princesses, fait référence aux sœurs de l’actuel roi de Suède, lorsqu’elles étaient enfants et qu’elles vivaient au château d’Haga.
Version suédoise ici