Il y a plusieurs étapes dans l’intégration d’un étranger à la vie en Suède.
La première est l’obtention du « personnummer », le numéro sans lequel vous n’êtes personne, le numéro qui est attribué aux bébés avant même leur prénom, le sésame qui vous ouvrira toutes les portes. Pour un Européen, il est relativement facile à obtenir.
La deuxième étape est, à mon avis, l’apprentissage de la langue, « svenskan ». D’aucun vous diront qu’on se débrouille très bien avec l’anglais, surtout à Stockholm. Certes, ce n’est pas faux, mais pour avoir le sentiment d’appartenir et surtout, de pouvoir participer à la société suédoise en générale, je trouve qu’il est important de maîtriser la langue suédoise. Pour moi, ce fut facile. Pour d’autres, cela peut prendre un peu plus de temps.
La troisième étape est de trouver un travail. J’ai obtenu mes premiers boulots grâce à ma maîtrise de la langue française : prof de français (il allait de soit que j’avais un certain avantage) et guide dans des châteaux royaux (même si j’ai finalement rarement guidé en français). Le jour où j’ai été embauchée grâce à ma formation universitaire suédoise, en tant qu’archiviste, un emploi dans lequel le français ne jouait aucun rôle, fut un grand jour pour moi. Je sentais qu’on me traitait à l’égal d’un(e) Suédois(e).
Une étape supplémentaire est de s’entourer d’amis suédois. Ce n’est pas l’étape la plus simple, car elle est longue, mais le résultat est solide.
Une autre étape importante, à mes yeux, est d’avoir l’opportunité, que dis-je ?, l’honneur de faire un discours lors d’un mariage suédois. Il est en effet coutume de faire des discours au cours des repas de mariage. Les parents respectifs des mariés, leurs frères et soeurs, leurs amis, chacun y va de son petit discours, plus ou moins sérieux, plus ou moins touchant, plus ou moins humoristique. Dans certains mariages, on a l’impression d’être interrompu à chaque bouchée tellement il y a de monde qui demande la parole ; on peut vraiment parler de repas qui traînent en longueur … Dans d’autres mariages, l’équilibre est mieux respecté. Sur les cartons d’invitations, on indique souvent qui sera le « toastmaster », la personne à qui l’on doit annoncer que l’on souhaite parler au cours du repas.
Vendredi dernier, mon « sambo » et moi étions invités à une fête de mariage. (Le mariage avait en fait eu lieu l’an dernier, un peu à la va-vite, puis l’arrivée d’une petite fille n’a pas permis l’organisation de la fête avant cet été.) Les mariés avaient exprimé leur désir que je fasse un petit discours pour raconter aux invités comment ils s’étaient rencontrés. Or, le mari étant français et la mariée suédoise, les invités étaient aussi de nationalités différentes et ils avaient donc besoin de quelqu’un qui parle les deux langues.
J’étais flattée et honorée qu’on fasse appelle à mes services, mais je ne vous raconte pas le trac le moment venu… Après seulement quelques phrases, je demandais déjà un verre d’eau, car j’avais la bouche pâteuse de nervosité ; j’avais besoin de me tenir d’une main à une table tellement mes jambes qui tremblaient ; et j’utilisais des mots français quand je parlais suédois et inversement ….
Je crois malgré tout m’être bien acquittée de ma tâche. Car je ne crois pas que j’aurais été remerciée tant de fois par les mariés, ni félicitée spontanément par plusieurs des invités, si cela n’avait pas été le cas. Et une fois le discours fait, je pouvais jouir à cent pour cent d’un soirée d’été magnifique, dans une maison rouge en bois entourée de verdure et faisant face au lac Mälaren, en compagnie de gens d’horizons très divers mais tout aussi intéressants, et dégustant de mets suédois délicieux – tous très appréciés des invités français ! Une soirée idyllique, typiquement suédoise, telle qu’on les aime ! …
ett tal [ète tâle] = un discours, une allocution
talet [tâlète] = le discours (aussi : la parole)
tal [tâle] = des discours
talen [tâlène] = les discours
N.B.: Ce mot, avec la même déclinaison, signifie aussi « nombre », et par extention « problème mathématique ».