Pendant deux jours, j’ai préparé cette fête traditionelle suédoise. J’ai fait les courses et le ménage, j’ai préparé un buffet froid : du salé et du sucré, du salé-sucré, j’ai fait cuire le vin rouge avec les épices, j’ai décoré l’appartement pour lui donner un air un peu plus festif… Et juste au moment où les invités commencent à arriver, je deviens invisible ! Mon conjoint, croyant que je me suis éclipsée pour me refaire une beauté, les accueille les uns après les autres. Je vois les manteaux s’entasser sur le meuble de l’entrée, les chaussures s’aligner devant la porte et les gens peu à peu se disperser dans la cuisine et le salon.
Comme je ne réapparais point, mon conjoint donne le feu vert pour attaquer le buffet. Quelques voix s’extasient devant la quantité, d’autres s’interrogent sur le contenu de certaines assiettes, puis les langues se délient après quelques tasses de vin chaud. Une amie enceinte est touchée que j’aie pensé à une alternative sans alcool.
Tous les invités ne se connaissent pas, mais les sujets de discussion ne tarissent pas. Comment ils m’ont rencontrée, par exemple : les uns à la fac, les autres au boulot, d’autres encore au cours de rencontres entre Français.
Je me glisse discrètement et silencieusement de groupe en groupe. La curiosité est un vilain défaut et je risque d’entendre des choses qui m’étonneront ou me blesseront, mais je ne peux résister à la tentation.
Entre les bouchées, on se félicite de ma cuisine, mais on ne s’étonne pas non plus que j’ai pris du poids ces derniers temps. Une mauvaise langue raconte même qu’il croyait un moment que j’étais enceinte …
Une ancienne collègue regrette de ne plus avoir ma compagnie au travail mais se réjouit que je me plaise à mon nouveau travail où je peux faire preuve d’autres compétences et toujours tirer profit de mon bilinguisme. « D’ailleurs, vous trouvez pas qu’elle a un petit accent bizarre quand elle parle français ? »… « Peut-être, mais son accent français quand elle parle suédois est tellement charmant ! » … Il y en a encore qui s’étonnent que je parle couramment suédois. Mon conjoint intervient et fait remarquer que c’est tout à fait normal : 9 ans en Suède à fréquenter beaucoup de Suédois, je n’ai autrement dit aucun mérite.
« Tiens, raconte-nous comment vous vous êtes rencontrés ! C’était à Paris, j’imagine », demande quelqu’un qui n’a encore jamais entendu l’histoire. Et mon conjoint de démentir et de raconter mes difficiles débuts de conversation en anglais avec un accent français à couper au couteau, ma timidité, mes lettres de plusieurs pages qui lui donnait une telle angoisse quand il s’attelait à la tâche d’y répondre … Quelqu’un trouve que c’est romantique que j’ai fait l’effort de venir en Suède ; mon conjoint rétorque que c’est tout de ma faute : je l’ai devancé, il avait pensé venir s’installer en France. Mais, à la réflexion, il valait peut-être mieux que j’apprenne le suédois que lui le français, cette langue qui ne se prononce pas comme elle s’écrit !
« Mais elle a bien quelques défauts quand même, non ? » … Oh que oui !… Même si elle a appris à moins râler là-dessus, elle est assez exigeante pour ce qui est du ménage et de la vaisselle. Surtout, elle a horreur d’être en retard ! Elle stresse si on rate un bus alors qu’il y en a un autre dans dix minutes. Elle est organisée, mais des fois, trop, c’est trop ! Lever à telle heure, les courses à telle heure, telle émission à la télé à telle heure etc … Et son blog ! Qu’est-ce qu’elle y passe du temps, des fois ! « Qu’est-ce qu’elle y raconte sur son blog d’ailleurs ? Il est en français, je peux pas le lire », achève mon conjoint.
Les lecteurs présents parmi les invités racontent les tranches de vie dont je fais part sous différents aspects, que je suis assez irrégulière dans mon écriture : une fois par semaine pendant de longues périodes, plus intensivement pendant des périodes plus courtes. L’un raconte qu’on tombe sur mon blog en googlant « hibiscus » et « nourriture ». Tous rigolent ! Un autre se moque gentiment de mes récits de soirées-tricot. Un autre encore trouve que suis parfois un peu trop informative, voire encyclopédique, sur certains articles.
« Et au travail, elle est comment ? » Ambitieuse, au sens suédois du terme, effective, appliquée. Naïve parfois quand elle s’étonne de certaines pratiques, mais aussi perspicace à d’autres moments. Dans les moments de détente, elle est toujours sympa, même si elle est fatiguée. Au cours des pauses-déjeuners, on peut aborder toutes sortes de sujets : actualité, littérature, films, recettes …
« Et en tant que Française ? » Elle n’est plus vraiment Française … Déjà, elle a un accent suédois. Ensuite, elle critique pas mal la France, affirme toujours qu’elle se plait mieux en Suède même si elle reconnaît que tout n’y est pas mieux qu’en France. Mais elle sait encore râler comme une Française !
N’empêche, c’est quand même pratique de connaître quelqu’un qui a vécu si longtemps en Suède : on est pratiquement toujours sûr d’obtenir une réponse quand on lui pose une question. Elle aime bien aider ses compatriotes même si elle trouve parfois qu’ils devraient faire un peu d’efforts pour trouver eux-mêmes une information facile à trouver.
« Bon, c’est pas tout ça, mais il commence à se faire tard… Dommage qu’on ne l’ai pas vue. Il était vraiment bon ce buffet ! »
Ce que vous venez de lire est ma participation à la rédac du mois de février. Le sujet est : VOUS. Que disent vos amis, ennemis ou connaissances quand ils parlent de vous croyant que vous n’entendez pas ? Exercice pas évident, qui révèle ce qu’on croit et/ou espère que les autres pensent de nous. Allez lire ce que mes co-blogueurs croient que les autres pensent d’eux : ckankonvaou, Avec nous en Floride…, Le blog de Laetitia Beranger, Le blog d’Orchidee, D’Athènes à Montréal, En direct des iles, Zürichardie, Il était une fois dans le sud…, le Denis Blog, tranche de vie, Chocobox, good.mood, mouton.bergerie, une parisienne à Athènes, Gazou, Sur les traces du chevalier ours, Betty looo-les cornus et Le chat qui.