Le mot de cette semaine est évident au vu des événements qui ont récemment secoué les banlieues de Stockholm, événements qui ont été relayés même par la presse étrangère (j’ai surtout lu les articles du Monde).
Lundi matin, j’ai eu un petit choc en lisant dans le journal gratuit Métro (pas dans Dagens Nyheter, le quotidien auquel je suis abonnée et que je lis tous les matins au petit déjeuner) qu’il y avait eu des émeutes la veille au soir à Husby, dans une banlieue au nord-ouest de Stockholm. (Notez que l’article donne déjà en peu de phrases la réputation d’une banlieue à problèmes …) Des incendies de voitures se sont déclarés et quand les pompiers et la police sont arrivés sur les lieux, ils ont été accueillis par des jets de pavés. Il semblerait que ces émeutes furent déclenchées par la mort d’un homme de 68 ans, tué par la police une semaine auparavant. Ces émeutes n’étaient malheureusement pas un cas isolé : elles continuèrent les nuits suivantes, s’intensifièrent et se répandirent à d’autres banlieues autour de Stockholm. Il y a eu une sorte d’effet boule de neige, comme si le mécontentement des uns était contagieux.
Jeudi matin, une collègue me demande comment ça se passe dans mon nouveau quartier. J’étais étonnée de la question et elle m’explique qu’elle a lu dans le journal Dagens Nyheter que le bureau de police de Rågsved avait brûlé dans la nuit. J’étais doublement étonnée : j’avais lu le même journal le matin même sans voir cette information. Triplement étonnée : je ne savais même pas qu’il y avait un bureau de police à Rågsved !… J’ai quand même pu vérifier ses dires en consultant l’article en ligne. Mais j’étais toujours étonnée : le bureau de police s’avère être situé tout près de la station de métro et je vous jure que je n’avais rien remarqué de bizarre en me rendant au travail ce jour-là.
Cela arrive tellement rarement en Suède que je ne sais vraiment pas quoi croire : est-ce aussi grave que la presse le décrit, ou est-ce que la presse ”grossi” les événements ? Ce qui me pousse à poser cette question, c’est que j’ai plusieurs fois eu l’impression cette semaine que ce que je lisais dans le journal ne correspondait pas à la réalité. Et d’autres voix témoignent de la même chose : les médias décrivent une situation proche de la guerre, les photos de voitures qui brûlent choquent, mais les gens habitant les quartiers parlent de calme normal… ou alors de calme anormal ?
Tout ceci fait bien sûr les choux gras de l’extrême-droite suédoise qui ne se prive pas de critiquer le gouvernement actuel en le traitant d’irresponsable pour vouloir créer une société multiculturelle, car c’est bien sûr la faute des immigrés (toujours le même disque …). Ils voulaient entre autre donner l’autorisation aux policiers d’utliser des méthodes plus violentes, instaurer un couvre-feu (!!!) et renvoyer à la frontière les fauteurs de troubles étrangers. Une solution, à mon avis, complètement absurde puisque ces fauteurs de troubles ont au maximum 25 ans, ce qui veut dire qu’ils sont sûrement nés en Suède, donc immigrés de deuxième génération, et par conséquent certainement citoyens suédois…
Certes, les banlieues touchées par les émeutes sont peuplées en majorité d’immigrés. Certes, une grosse partie de ces immigrés sont au chômage, plus ou moins en marge de la société. Un pourcentage non négligeable de leurs enfants sont en échec scolaire. On ne peut pas nier qu’il règne un certain malaise dans ces quartiers, mais toujours est-il que ces émeutes sont le fruit des quelques individus qui ne sont même pas tous issus de ces quartiers ! Les derniers articles que j’ai lu font état d’une planification bien organisée : on a par exemple trouvé des sacs à dos remplis de pavés placés à des endroits stratégiques en vue d’altercations avec les forces de l’ordre. Sur 12 personnes arrêtées un soir à Husby, la moitié avait déjà auparavant été condamnée pour des ”petits” crimes (drogues, vol, violences) et deux seulement venaient d’Husby.
Avec le recul, on réussit à analyser un peu mieux ce qui s’est déroulé ces derniers jours, mais les raisons sont beaucoup trop nombreuses et complexes pour trouver une solution simple au problème. Et le traitement des informations par la presse ne facilite pas les choses : il y a pas mal de faits et d’arguments contradictoires. Même s’il existe déjà un article Wikipedia sur les émeutes de 2013 à Stockholm, je crois qu’il est encore trop tôt pour pouvoir être sûr de tout ce qui a été affirmé au cours de cette semaine. À vrai dire, j’ai presque envie de remettre en question le mot d’émeute en lui-même. Je ne veux pas dire par là qu’elles n’ont pas eu lieu, mais comparé aux évènements en France ou en Angleterre il y a quelques années, les émeutes de Stockholm ressemblent plutôt à des conflits entre des groupes de jeunes, peu nombreux, et la police.
ett upplopp [ète uplope] = une émeute
upploppet [uplopète] = l’émeute
upplopp [uplope] = des émeutes
upploppen [uplopène] = les émeutes
ou
kravaller [cravalère] = des émeutes
kravallerna [cravalèr(e)na] = les émeutes
Et pour rejoindre le thème de la semaine dernière, je vous fais cadeau d’un mot supplémentaire : « kravallpolis », qui équivaut plus ou moins au CRS. Je dis bien « plus ou moins » car les CRS n’existent pas en Suède, et j’espère qu’ils n’existeront jamais. J’ai eu peur quand j’ai lu cette semaine un article qui disait que les policiers suédois ne savent pas comment agir dans ce cas de situation contrairement aux CRS qui sont formés pour ça… La violence engendre la violence, et ce n’est définitivement pas le bon chemin à prendre.
Bel article !
Merci !
Mais le gouvernement conservateur ne doit pas seulement s’inquiéter des émeutes dans certaines banlieues. Surfant sur ces troubles et sur l’échec de la politique d’intégration, le parti nationaliste et anti-immigration Démocrates suédois gagne des voix dans l’opinion. Il pointe actuellement à la troisième place dans les sondages en vue des élections législatives qui auront lieu en septembre 2014.
Oui, l’avancée des parties d’extrême-droite fait peur …
Stockholm brûle-t-elle? Certainement pas. Au centre de la riche capitale suédoise, les gros titres des journaux sur les émeutes ne semblent même pas troubler le constant va-et-vient des passants. Mais il suffit de parcourir huit stations de métro, en direction du nord-ouest de Stockholm, pour découvrir les traces des violences . Certes, ces dernières sont bien moins sérieuses que celles survenues lors d’émeutes en France ou en Grande-Bretagne. Mais à Husby, berceau de la révolte, des vitrines brisées, une école aux murs noircis, une bibliothèque dont la porte est en mille morceaux rappellent l’agitation des nuits passées.
Non Stockholm ne brûle pas. Ce sont les médias qui se sont enflammés. Je ne nie pas ce qui s’est passé, mais les journaux ont bien grossi les événements, c’est en tout cas mon impression.