Nous sommes sept, cinq collègues, moi-même et une inconnue qui ne parle pas suédois. La guide s’adresse alors à nous en anglais et nous mène au deuxième étage du musée, où elle nous laisse à un homme qui nous fait signe de le suivre. Il se déplace à pas lents et silencieux ; nous ralentissons le rythme des nôtres et je regrette presque d’avoir des chaussures à talons qui claquent sur le paquet des salles du musée. Nous faisons ainsi le tour du premier étage, puis il nous fait descendre à mi-chemin dans l’escalier où des bancs nous sont réservés. Nous nous asseyons en silence, nous lançant quelques regards interrogatifs, mais confiants. Nous ne savons pas ce qui nous attend, mais nous n’appréhendons pas, au contraire, nous avons hâte de voir ce qui va se passer.
L’homme, qui avait disparu en bas de l’escalier, revient avec des écouteurs alignés sur un bras. Doucement, il les pose sur nos oreilles, nous isolant ainsi du monde sonore extérieur. Dès lors, nous n’entendons plus que des bruits enregistrés de pas et de conversations atténuées. Puis une voix, douce et agréable à écouter, nous donne des instructions. La femme inconnue se lève et commence à descendre les escaliers. Nous restons assis. Puis la voix me demande de suivre l’inconnue. Je comprends alors que nous n’entendons pas tous la même chose. Ou en tout cas, pas en même temps ; car mes collègues ne tardent pas à me suivre. L’inconnue s’est arrêtée derrière une femme longue et mince, vêtue d’une robe beige un peu stricte. On nous dit qu’elle est notre guide ; nous la suivons à travers les salles de mobilier de siècles passés ; la voix attire notre attention sur certains objets. Puis nous nous arrêtons ; on nous demande de fermer les yeux ; un bandeau est alors posé sur mes yeux par des mains invisibles.
J’ouvre les yeux et ne voit plus qu’une lueur blanche devant moi. À partir de ce moment-là, je suis complètement isolée de mes collègues. Quelques secondes plus tard, une main soulève doucement la mienne et m’entraîne. Ne voyant pas où je mets les pieds, mes premiers pas sont hasardeux et lents, mais peu à peu je me fie à la main qui continue à me mener. La voix m’incite à me baisser pour passer une porte, à tourner à droite ou à gauche, à m’arrêter là puis reculer ici … La main me quitte parfois mais revient toujours pour m’entraîner plus loin, plus haut, plus bas. Je ne sais plus où je suis … La voix et les bruits me suggèrent une grande salle où les pas résonnent ou une forêt où mes pieds foulent un chemin couvert de feuilles séchées …
De temps en temps des lumières colorées traversent le bandeau qui couvre mes yeux. On attire mon attention sur ma respiration, sur la lourdeur de mes pas, sur la lenteur de mes mouvements. Des gens se déplacent autour de moi, je sens leurs mouvements dans l’air qui m’entoure. Parfois je dois me déplacer seule, j’avance alors à tâtons, je frôle un mur froid ou une colonne hexagonale. Je ne suis définitivement plus dans la pièce où l’on m’a bandé les yeux, mais je n’ai aucune idée du chemin emprunté pour arriver dans cette pièce.
On me redemande de fermer les yeux ; le bandeau est oté ; puis on m’autorise à ouvrir les yeux. Je vois mes collègues autour de moi. La voix nous mène dans la pièce suivante où des gens sont allongés autour d’un tapis. Nous nous allongeons sur le tapis quelques minutes avant que les gens allongés autour de nous nous rejoignent autour du tapis pour nous signaler que nous sommes arrivés à destination. C’est seulement à ce moment-là que je comprends que l’inconnue fait en fait partie du ”groupe de mains” qui nous a guidé à travers les salles du musée.
Ceci était une répétition de ”Symphony a Missing Room”, une ”performance” faite dans le cadre de l’exposition ”Arbete pågår/Work in progress” qui explore de nouvelles formes d’exposition avec la lumière naturelle. L’expérience avait déjà eue lieu l’automne dernier et avait rencontré un grand succès. Elle avait même était nommée événement culturel de l’année 2009. Cet automne, toutes les places sont vendues avant même que la performance commence officiellement, du 7 au 19 septembre. C’est dire si le grand public guettait son retour !
”Symphony of a Missing Room” est l’oeuvre de Lundahl & Seitl, une expérience intéressante mettant en scène un milieu muséal, les membres d’un groupe d’artistes qui a composé les effets sonores et la chorégraphie à travers laquelle ils guident des visiteurs qui se laissent prendre au jeu. C’est une expérience, « en upplevelse » que je recommande chaudement, si vous avez l’occasion de les rencontrer. Ils se produisent en effet dans différents musées européens, toujours avec le même succès !
en upplevelse [ène upelévèlsé] = une expérience
upplevelsen [upelévèlsène] = une expérience
upplevelser [upelévèlsère] = des expériences
upplevelserna [upelévèlsèrena] = les expériences
Ben dis-donc, c’est déjà gelé à Stockholm je vois sur la dernière photo !!
@Pascal : Mais non !… C’est une photo de l’hiver dernier mais je trouvais qu’elle avait sa place ici.
@Mandy : C’est évidemment le but de cette performance : donner la priorité à d’autres sens qu’à la vision qui est souvent évidente dans un musée, surtout quand on n’a pas le droit de toucher les objets.
@Mathilde : Merci Mathilde de tes compliments !
@Janet : Pas que je sache. Je suppose que le fait que ce soit en anglais pose un ”petit” problème. 😉
Ca m´a vraiment l´air très interessant!On doit ressentir une autre vision des choses!J´aurai vraiment voulu le faire, mais je viens de voir que tout est complêt!
En tout cas, merci de nous avoir fait partager ca, c´est extra!
Merci d’avoir si bien relate cette experience avec des mots! ca a l’air vraiment extraordinaire. Et les photos aux ambiances differentes s’accordent bien avec le recit!
fascinant !
merci…
rien de prévu dans l’immédiat à Paris ?