Les Suédois, dont je fait partie depuis deux ans maintenant, ont voté dimanche dernier pour les législatives, les régionales et les municipales. Près de 95 % d’entre nous nous sommes réveillés lundi matin avec un goût amer dans la bouche et encore sous le choc des résultats annoncés la veille au soir : les Démocrates suédois (Sverigedemokraterna = SD), parti d’extrême-droite, avaient gagné 5,7 % des voix, et ainsi passé la barre des 4 % pour entrer au Riksdag, la Diète suédoise.
Depuis mercredi, après le recompte habituel des voix, nous savons maintenant le résultat officiel, mais pas encore la composition du gouvernement. Jugez des chiffres suivants :
L’alliance rouges-verts = 156 sièges
- le Parti social-démocrate des travailleurs (en rouge sur le diagramme ci-dessous) = 30,66 % = 112 sièges
- le Parti de l’environnement-Les Verts (en vert) = 7,34 % = 25 sièges
- le Parti de gauche (en rouge foncé, tout à gauche) = 5,6 % = 19 sièges
L’Alliance de droite (au pouvoir depuis 2006) = 173 sièges
- le Parti du rassemblement modéré (en bleu tout à droite) = 30,06 % = 107 sièges
- le Parti du peuple-Les Libéraux (en bleu foncé) = 7,06 % = 24 sièges
- le Parti du Centre (en vert foncé) = 6,56 % = 23 sièges
- les Chrétiens-démocrates (en bleu clair) = 5,6 % = 19 sièges
- Les Démocrates suédois (en jaune) = 5,7 % = 20 sièges
Sur un total de 349 sièges, il ne manque que deux places à l’alliance de droite pour avoir la majorité et pouvoir former un gouvernement sans problème. Il y a éventuellement la solution de former un gouvernement minoritaire, mais cela risque de compliquer le travail des quatre années à venir. Il y a aussi la situation de parlementer avec les Verts pour former un gouvernement majoritaire avec eux. Sur plusieurs points, leur politique est relativement proche de celle de la droite, mais ils se sont de plus en plus rapprochés de la gauche au cours des dernières années. Accepter de coopérer avec un gouvernement de droite reviendrait à trahir de nombreux électeurs écologistes de gauche et cela nuirait bien sûr à la crédibilité du parti. Mais en même temps, que faire, quand il est clair — et heureusement !… — que l’alliance de droite refuse de coopérer avec l’extrême-droite ?
Beaucoup de questions et débats ont surgi cette semaine : Pourquoi cette victoire du SD ? Comment les sociaux-démocrates ont pu obtenir les pires résultats de l’histoire du parti ? Que faire maintenant ? Exclure le SD de certaines commissions parlementaires ? … Certains exigent de nouvelles élections, d’autres veulent faire appel, on entend dire que des électeurs auraient confondu ”Socialdemokraterna” et ”Sverigedemokraterna” et ainsi voté pour le ”mauvais” parti …
Le mot « ansvar » = responsabilité a connu, à mes yeux, une certaine inflation : SD veut prendre la responsabilité pour tout le pays, on demande aux Verts de prendre leur responsabilité et de se joindre à l’alliance de droite, l’alliance de droite doit prendre ses responsabilités et s’ouvrir vers la gauche, les sociaux-démocrates doivent prendre leur responsabilité et Mona Sahlin, leur leader, démissionner … Sincèrement, je crois que tous, les politiques et la population suédoise entière, doivent prendre leurs responsabilités : accepter le résultat et aller de l’avant, analyser pourquoi presque 6 % des Suédois votent SD, et prendre le débat de l’immigration à bras le corps et trouver des solutions aux problèmes qui font que certains Suédois en ont marre et se tournent vers l’extrême-droite ; par conviction ou pour protester, cela n’a pas d’importance, le résultat est le même.
Je ne crois pas que boycotter le SD soit la bonne solution. Maintenant qu’ils sont au parlement, ils faut les laisser participer aux débats aux mêmes conditions que les autres partis, de manière démocratique. Les exclure ne ferait que renforcer l’image de martyr qu’ils veulent volontiers faire circuler : censurés, brimés, persécutés, etc… Au final, je crois que leur programme politique se montrera de lui-même non-viable dans une société globalisée comme la nôtre et leur comportement anti-démocratique. Ils ne sont, somme toute, que 20 sur 349 (même si cela ne diminue pas la honte que de nombreux Suédois ressentent aujourd’hui).
Dans un domaine linguistique complètement dépourvu de couleur politique, le mot « ett parti » se comporte de manière inhabituelle car il se décline au pluriel comme s’il était un substantiv en « -en » :
ett politiskt parti [ète politiskte parti] = un parti politique
det politiska partiet [dète politiska partiète] = le parti politique
politiska partier [politiska partière] = des partis politiques
de politiska partierna [dé/dome politiska partièr(e)na] = les partis politiques
Ah responsabilité…
C’est vrai que les partis et hommes politiques disent souvent qu’il faut prendre ses responsabilités mais le faire est parfois moins courant. Sinon, l’honneur des autres partis serait justement d’appliquer la démocratie.
@Pascal : J’ai malheureusement peur que la chasse au pouvoir prenne le dessus sur l’honneur … Mais j’espère me tromper.
@JacquesG : Il faudrait que je prenne le temps d’étudier les ”déclinaisons” de mots importés. Ton hypothèse se confirmerait peut-être.
Dans une élection démocratique, il faut accepter le résultat, même s’il est bancal. Je ne vois pas pourquoi on remuerait ciel et terre pour que les SD n’entrent pas au Riksdag, ils ont des élus, c’est comme ça.
Maintenant, si FR sait y faire, il peut arriver à faire passer son programme en bénéficiant au coup par coup de voix de gauche ou des verts. Certes, ce n’est pas l’idéal.
Pour le mot ”parti”, je n’avais pas pensé au phénomène… Effectivement, on n’a pas ”partien” au pluriel, mais ”partier”. Peut-être parce que les mots d’origine étrangère sont en général du realgenus, allez savoir…!