Mes vacances en France sont dorénavant une parenthèse dans mon quotidien suédois.
Plus je passe de temps en Suède, et plus je sens que je pers le contact avec la France, sa langue, sa société et ses habitants. Après 14 ans passés dans mon pays adoptif, je suis désormais une touriste dans mon pays natal. Je ne me sens pas vraiment déracinée, je ne me suis jamais sentie très enracinée où que ce soit… jusqu’à maintenant peut-être. Mon attachement à la Suède augmente avec les années, je m’y suis toujours bien sentie, et je ne cesse de m’y sentir mieux.
J’ai toujours un petit pincement au cœur quand je tourne la clé dans la serrure de mon appartement, lorsque je pars pour une ou deux semaines. Et encore un pincement de cœur lorsque l’avion décolle d’Arlanda …
Mon cerveau a toujours besoin d’une période d’adaptation de quelques heures, d’une journée, pour passer du mode suédois au mode français. Même si je comprends ce que les hôtesses de l’air me disent en français, mon premier réflexe est de répondre en suédois, ou pire, en anglais …
Entendre parler français autour de moi devient petit à petit exotique. Je comprends ce qui se dit, mais j’ai l’impression d’être comme dans une bulle. Comme si je n’appartenais pas au monde qui m’entoure. Déconnectée.
Assise sur un banc, à l’ombre des tilleuls, je me plonge dans l’univers de Bodil Malmsten. Une écrivaine suédoise qui décrit sa vie entre la France et la Suède, entre Stockholm et le Finistère. J’apprécie de pouvoir comprendre les références qu’elle fait aux deux mondes, je souris à l’absurdité de différentes situations en comprenant le choc des cultures.
Je m’évade mentalement en Suède, par l’intermédiaire des mots de Bodil Malmsten. Tandis que non loin de moi, j’entends deux patients discuter en français avec des infirmiers en blouses blanches. Si j’étais dans un pays totalement étranger, les voix ne formeraient qu’un fond sonore et ne dérangeraient pas ma lecture. Mais mon cerveau ne peut exclure la compréhension d’une de ces deux langues.
Un passant promenant son chien me dit ”bonjour”, je souris et réponds ”hej” … et me sens tout de suite très bête. Il n’y a aucune raison finalement : soit il a à peine entendu ma réponse et suppose seulement que j’ai répondu poliment, soit il a entendu et déduit que je n’étais pas Française. Dans aucun des cas, il n’a pu trouver étrange que je réponde dans une autre langue, il n’est pas censé savoir que je suis en fait Française… mais aussi Suédoise. Plus Suédoise que Française. Décalée.
J’observe plus que je ne participe lorsque je suis en France. Comme une tierce personne. Qui reste sur le banc. Qui n’a pas besoin de s’engager plus que nécessaire. C’est une bonne manière de se ressourcer. Ne pas se sentir obligée de réagir au quart de tour à chaque impulsion. Seulement observer. S’imbiber de l’air ambiant, de la chaleur du soleil, du son des voix, du piaillement des oiseaux, des odeurs de cuisine, des activités à l’entour. Prendre le temps d’observer. Les bus qui passent, les gens qui vivent leur quotidien, la vie qui continue son bonhomme de chemin, pendant que je reste dans ma parenthèse …
Mon corps est en France. Mon cœur est resté en Suède. Et je sais qu’il bondira de joie au moment où les roues de l’avion heurteront de nouveau le tarmac d’Arlanda !
J’ ai des atomes crochus avec la Suède qui m’ a toujours fasciné et où je vais régulièrement pour mon travail, mais je vis en Hollande depuis 17 ans……….et je partage tout à fait ce que tu décris. Je suis française, n’ abandonnerais jamais la nationalité francaise au profit d’ une autre, mais quand je ”rentre à la maison”, c’ est en Hollande. Merci d’ avoir si joliment décrit ce ”spleen” de l’ émigré ;-)….
Rachel, tu as trouvé le mot juste : ”spleen”. 🙂
comme c’est joliment dit …..Tu vis dans un pays beau et attachant et je comprends que cela te fasse cet effet….
Merci arwen ! 🙂