Elle était partie dans un pays où il fait beau. Elle y vivait sans se soucier chaque matin de la météo. Elle n’avait plus besoin de regarder le thermomètre avant de choisir sa tenue vestimentaire de la journée. Le soleil brillait tous les jours révélant un azur limpide où seuls quelques nuages effilochés naviguaient de temps en temps. Il ne pleuvait que la nuit pour rafraîchir l’air et désaltérer la terre. La terre, dont l’odeur humide s’élevait à l’aube jusqu’à sa fenêtre pour la sortir d’un sommeil paisible.
Elle aimait s’endormir au son de la pluie : le tapotement régulier des gouttes sur le toit et le rebord de la fenêtre, la fraîcheur de l’humidité, c’est comme une berceuse pour les oreilles et un baume pour l’esprit après les activités d’une journée entière. Elle dormait bien dans ce pays où il fait beau.
Mais, dans ce pays, il n’est pas simple de se promener seule, dans les rues désertes, la nuit. Les nuits y sont particulièrement sombres et c’est alors que toutes sortes d’animaux quittent leurs terriers et autres nids. On les entend se faufiler parmi les buissons, filer dans les hautes herbes. Parfois, ils frôlent les jambes des promeneurs tardifs. Ils ne sont pas dangereux ; souvent, ils sont eux-mêmes aussi effrayés que les humains, chacun sursaute de son côté, laissant parfois échapper un petit cri, puis les êtres à quatre pattes poursuivent leur course et ceux à deux jambes leur promenade.
Un soir, son mari contemplait le coucher de soleil depuis le pas de sa porte. Un lapin venu de nul part lui fila entre les jambes, il sursauta, heurta la porte d’entrée et c’est alors qu’un seau se renversa sur sa tête, un seau que son fils malicieux avait déposé en équilibre au-dessus de la porte. Le choc fut plus fort que celui du lapin lui frôlant les jambes – lapin qui ne remarqua jamais rien de l’incident puisqu’il avait rapidement disparu dans le jardin voisin.
Le père se serait contenter du lapin. Il n’y avait que son fils, qui l’observait en douce depuis la fenêtre de sa chambre, qui trouvait cela amusant. Le père, lui, s’essuyait la figure d’une main et frottait son épaule meurtrie de l’autre, tandis que la mère, qui avait réagi aux jurons de son mari, se précipitait pour savoir ce qui s’était passé.
Elle courut chercher une serviette-éponge, réprimanda son fils en l’envoyant au lit – il commençait à se faire tard – et invita son mari à rentrer dans la maison. « Le jus d’ananas est excellent » lui dit-elle, en lui en tendant un verre.
Ils s’assirent tous deux au salon et restèrent silencieux un moment. La pluie commençait à tomber à l’extérieur. La mère ferma les volets mais laissa la fenêtre ouverte pour laisser entrer l’odeur de l’herbe mouillée. Quand elle se retourna vers son mari, elle remarqua qu’il s’était paisiblement endormi. Elle le couvrit d’un plaid puis s’assit confortablement à ses côtés, un roman à la main.
Le silence à l’entour était presque total, à l’exception du clapotis de la pluie. Bientôt, elle laissa glisser sa tête sur l’épaule de son mari puis s’assoupit à son tour. Le sommeil l’envoya doucement au pays des rêves. Une voix annonça : « Les pommes sont mûres. »
Elle était de nouveau dans son pays natal, où c’était l’automne et donc la saison des pommes. Dans ce pays où il fait beau, il y a bien sûr des pommes, mais pas les mêmes sortes que celles de son enfance et surtout, il n’y a pas ce charme des saisons qui rythme les années. Dans ce pays où il fait beau, il y a des pommes toute l’année ; le plaisir d’en manger dans l’autre pays était complètement différent. Mais même si les pommes de son pays lui manquait de temps en temps, pour rien au monde elle ne voudrait quitter ce pays où il fait beau.
C’est ce qu’elle avait fuit en quittant son pays d’origine : l’humidité de l’automne et de l’hiver. « L’humidité me traverse les os » murmura-t-elle dans son sommeil, comme si elle justifiait son départ à un interlocuteur invisible. « L’humidité me traverse les os ! » répéta-t-elle plus fort.
Elle sentit que son mari l’enveloppait dans le plaid. Elle l’entendit se lever pour fermer la fenêtre. Puis il la réveilla doucement en disant : « Ne t’inquiète pas. Nous sommes dans le pays où il fait beau. Viens, il est tard, allons nous coucher. »
J’aime beaucoup ta refonte. Ca change du travail brut. C’est vrai que la première fois, il n’est pas évident de travailler sous la contraine mais tu t’en es très bien sortie !!! Et ton texte est très bien. Bravo !!!
Attention, on sait qui tu es maintenant !! Oh non ! Les gens ils vont savoir que j’ai une soeur qui écrit des trucs sur internet !!
Merci chantal ! 🙂
@ Deline : Désolée de ne pas avoir vu ton message plus tôt … Il a été interprété comme du spam. :-O Je viens juste de le voir … Et j’ai rétabli mon anonymat depuis. 😉