L’été est une saison agréable avec ses festivals de musique en plein-air. J’en ai profité un peu en France comme en Suède.
Les Francofolies
En France, ce fut très nostalgique : un concert des Francofolies à La Rochelle, auxquelles j’avais déjà assisté à leur genèse, au milieu des années 1980. Cette année, la raison de cette petites escapade dans ma région (presque) natale était l’idole de ma jeunesse : j’ai nommé Patrick Bruel, qui ouvrait le festival le 12 juillet. Il était précédé de trois autres chanteurs, que je ne connaissais pas car je ne suis pas vraiment l’actualité musicale française depuis la Suède. Mais les festivals peuvent être l’occasion de belles découvertes. Cependant, le suisse Bastian Baker ne m’a pas laissé de souvenirs inoubliables. Raphaël était trop intime pour la grande scène de Saint Jean d’Acre, j’ai aimé ses textes, mais moins le fait qu’il change de guitare à chaque chanson. Cali m’a beaucoup impressionné : j’aime ses textes, engagés, mi-tendres, mi-cyniques, et son énergie sans limite. Une bête de scène qui ne se lasse pas du contact avec le public, un contact même physique puisqu’il s’est jeté dans la foule par deux fois, faisant totalement confiance aux bras qui le portaient. La deuxième fois, à la fin de son concert, la foule lui a fait traverser l’esplanade entière jusqu’en haut des gradins !
Le concert de Patrick Bruel a surpassé mes attentes ! En tant que fan inconditionnelle, je ne suis peut-être pas très objective, 😉 mais les retrouvailles ont été très réussies ! Un mélange de chansons anciennes et plus récentes, un medley de chansons supprimées du programme par manque de temps (ingénieux !), au piano ou à la guitare, avec les musiciens derrière lui ou en solo, il était parfait ! Les petits discours pour introduire certaines chansons étaient aussi très appréciés.
Mais ce qui m’a plu le plus, c’est le contact avec le public. Et c’était évidemment réciproque : il nous a ému autant que nous l’avons ému. La fin de ”Les larmes de leurs pères” restera une expérience inoubliable avec la voix du public unie dans un murmure profond et bouleversant. Ce fut un moment très fort, la communion était totale ! (quoique un peu troublée par quelques hystériques qui ne pouvaient pas s’empêcher de crier comme au temps de la Bruelmania…)
Ma playlist de mes concerts préférés de cet été :
Stockholm Music & Arts
L’île de Skeppsholmen est depuis des années le site d’un festival de musique de quelques jours début août. Il s’appelait autrefois Stockholm Jazz Festival ; j’y ai entre autre découvert la chanteuse suédoise Laleh et eu le privilège d’y voir Patty Smith. Ce festival se déroule depuis quelques années en octobre sur d’autres scènes de Stockholm. Sur Skeppsholmen, il a laissé la place à Stockholm Music & Arts. L’an dernier, je n’avais pris un billet que pour le dernier jour, pour Björk, qui m’a malheureusement déçue. Cette année, je me suis offerte le passe pour le festival complet, les 2, 3 et 4 août. La météo était aussi de la partie, un détail non-négligeable.
Le festival a commencé par un incident diplomatique car le consulat de Suède en Turquie refusa d’accorder son visa au Syrien Omar Souleyman sous prétexte qu’il pouvait risquer de demander l’asile politique une fois sur le sol suédois … L’arrangeur Luger s’est battu et le visa a finalement été accordé pour le festival Way Out West à Göteborg une semaine plus tard.
Vendredi 2 août
14:45 Goran Kajfeš Subtronic Arkestra (à la place d’Omar Souleyman)
16:15 Mattias Alkbergs Begravning
17:45 Diamanda Galás
19:15 CocoRosie qui rappelle parfois Björk (moins la déception heureusement). J’ai trouvé Bianca ”Coco” plus présente et à l’aise sur scène que sa sœur Sierra ”Rosie”. J’ai aimé que Bianca joue de la harpe. Parmi leurs musiciens, il y avait un ”human beatbox” qui nous a fait un solo impressionnant !
20:45 First Aid Kit, le duo suédois qui connait un succès énorme depuis quelques années. Les disques sont bien, mais il faut aussi les voir sur scène : Johanna est visiblement experte en jeu de synté avec les pieds et en ”headbanging”. 🙂
22:30 Regina Spektor était tout simplement sublime ! Ce petit bout de femme a une présence incroyable sur scène ! C’était touchant de l’entendre s’étonner que le public reconnaisse ses chansons. Je retournerai la voir sans hésitation dès qu’elle se produira sur une scène stockholmoise.
Samedi 3 août
14:15 Susanne Sundfør
15:45 Modern Fantazias
17:30 Maia Hirasawa était une des chanteuses, outre Regina Spektor, que je ne voulais pas manquer, et elle ne m’a pas déçue non plus. Maia est Suédoise d’origine japonaise et à vécu quelques années au Japon. Ses dernières chansons traitent du tremblement de terre et du tsunami qui a ravagé les côtes japonaises en 2011 et ses textes prennent aux tripes. Cela vaut aussi pour la chanson avec laquelle elle a achevé son concert, une chanson qui aborde le traumatisme de l’accouchement, un moment qui aurait dû être heureux.
19:00 Sofia Jannok chante la cause du peuple Sami et la beauté des paysages lapons. Même ses discours entre les chansons sont très poétiques.
20:30 Efterklang
22:15 Rodriguez était l’artiste le plus attendu de cette soirée. Le documentaire Sugar Man qui l’a remis au goût du jour, réalisé par le Suédois Malik Bendjelloul (récompensé par un Oscar cette année) avait conquis le public suédois qui venait l’écouter ce soir-là. Au moment du concert, j’étais peut-être une des seules qui n’avait pas encore vu ce documentaire, mais ce ne m’a pas empêchée d’être touchée par la performance de Rodriguez … et d’être d’autant plus étonnée au vu des critiques le lendemain et des commentaires sur divers médias sociaux.
Je ne comprends pas comment on peut s’attendre à ce qu’un homme, âgé de 71 ans, perdant la vue, après une vie difficile et n’ayant plus l’habitude de la vie de tournée, puisse se comporter comme une star. Étant données les circonstances, je trouve qu’il a fait un concert tout à fait honorable. Je suis contente de l’avoir vu sur scène. Car même s’il est prévu un nouvel album cet automne, je ne suis malheureusement pas sûre qu’il ait la force de refaire une tournée …
Dimanche 4 août
14:15 Lune
15:45 Mariam the Believer
17:00 Je ne connaissais pas du tout Billy Bragg mais j’ai aimé son humour et son côté militant de gauche.
18:45 Laura Mvula
20:30 Prince était LA star du festival et comme toute star, il a fait sa diva. Interdiction totale de photographier (impossible à contrôler vu la densité des smartphones dans le public qui sont difficilement confiscables au contraire des gros appareils-photos) et retard d’une heure. Les arrangeurs auraient pu rajouter un artiste entre Laura Mvula et Prince… Et quand un des membres du groupe vient nous dire, 15 min avant l’arrivée de la star sur scène, qu’ils ont hâte de faire leur show, on se demande s’ils ne se moquent pas de nous. Cela a dû influencer mon humeur, car je n’ai pas vraiment aimé la première partie de son concert.
Mais après la pause, ça c’est amélioré et à la fin, je ne regrettais vraiment pas d’être venue. On a rappelé Prince sur scène trois fois, il est revenu avec la même énergie à chaque fois, et il a vraiment réussi à mettre une bonne ambiance dans le public. Il sait comment caresser le public dans le bon sens du poil, même si personnellement je ne me suis pas laisser dupée, mais il m’était difficile de ne pas me laisser emporter par l’enthousiasme général. Comme une critique la écrit le lendemain, Prince est peut-être hors de propos mais ça fonctionne quand même.
La playlist du festival sur Spotify :
Leonard Cohen
Le dernier concert de cet été n’était pas en plein-air et aurait pu se dérouler dans une salle plus petite, pour une ambiance un plus intime avec l’homme à la ”golden voice”. Mais ce fut malgré une expérience inoubliable : 3 heures de musique, 28 chansons, avec quelques 9 500 autres personnes. J’aime sa voix, son humour, sa simplicité, sa modestie, et je suis impressionnée qu’il tienne la route comme ça, à presque 79 ans !
Les musiciens derrière lui ne sont pas en reste non plus. J’ai beaucoup aimé les solos de bandurria de Javier Mas. Voyez ce clip YouTube pour preuve :
J’ai aussi aimé qu’il laisse les choristes chanter des chansons entières :
La playlist avec les 28 chansons du concert de Leonard Cohen :
Le public suédois
Je suis un peu déconcertée par le comportement du public suédois. Il semble parfois complètement apathique. Sans être du genre à faire des bonds de plusieurs mètres de haut ou à hurler, je ne peux jamais m’empêcher de marquer le rythme, de danser et de chanter, cela fait partie du concert pour moi, sinon, je reste à la maison. Mais les Suédois restent pratiquement immobiles, à la rigueur, ils se réveillent à la fin du concert… Je vous assure que même lors du concert de Prince, j’en ai vu quelques-uns qui ne bougeaient pas d’un centimètre ! Du coup, on se sent bête quand on commence à remuer un peu les hanches ou à frapper dans les mains en ryhtme. Les Suédois sont polis quand même : ils applaudissent à l’arrivée des artistes et entre les chansons comme il se doit, mais ils ne sont pas particulièrement spontanés. Il faut vraiment que les artistes les incitent à se bouger un peu pour qu’ils le fassent. Mais à la fin du concert, les rappels ne sont pas rares ; les artistes ne doivent rien y comprendre … Je ne recommanderais pas à Cali de se jeter dans la foule s’il venait en Suède, il risquerait de se retrouver par terre …
Version suédoise ici